Chapitre 8
Synthèse

Au cours de ce travail, nous nous sommes efforcé de décrire et d’analyser la production, la diffusion et l’usage des lames de hache dans les Alpes occidentales et le bassin du Rhône. Le point de départ étant la reconnaissance d’importantes circulations de roches (les éclogites) sur plusieurs centaines de kilomètres à travers des reliefs qui sont les plus importants d’Europe, nous avons constamment cherché à intégrer les résultats de notre analyse archéologique à ce fait central afin de constituer au fil de l’étude une vision cohérente du sous-système technique représenté par les haches au sein du système technique néolithique. Pour ce faire, nous sommes toujours parti de l’analyse archéologique des objets et de leur contexte pour constituer des connaissances dont le degré de finesse et de sûreté a été à chaque fois précisé.

Dans ce dernier chapitre, nous nous proposons de mobiliser l’ensemble des faits et des hypothèses discutés précédemment afin de tenter une présentation cohérente du déroulement historique des productions et des diffusions des lames polies alpines. Nous tentons de dépasser les simples constats des hypothèses de travail archéologiques pour proposer des explications, fussent-elles données à titre d’hypothèse à valider par les travaux futurs. Pour ce faire, il est nécessaire de croiser systématiquement les faits analysés dans cette étude afin de les mettre en corrélation dans une vision où les évolutions géographiques et chronologiques à large échelle tiennent une place importante au détriment des micro-évolutions qui nous échappent encore grandement. Mais nous sommes pleinement conscient des limites d’une analyse purement archéologique, qui aboutit vite à un bouquet d’hypothèses impossibles à réduire. Nous avons donc choisi de recourir à des référentiels ethnologiques établis sur l’analyse de sociétés peu ou pas hiérarchisées utilisant encore voici peu des haches à lame de pierre, afin de proposer non plus une comparaison technique limitée comme nous l’avons fait au cours de cette étude, mais de transposer et de tester des modèles de fonctionnements économiques et sociaux. A notre connaissance, seule l’Ile de Nouvelle-Guinée offre cette possibilité mais, malgré les innombrables travaux d’ethnologues réalisés depuis plus de 70 ans, très peu se sont souciés des relations entretenues entre la culture matérielle, en l’occurrence l’utilisation des haches, et les fonctionnements sociaux qui les sous-tendent (cf. Pétrequin et Pétrequin 1993, introduction). Devant l’impossibilité matérielle de procéder nous-mêmes à une revue et à une analyse intégrales de l’ensemble de ces travaux ethnologiques dont la lecture dépasse le plus souvent nos compétences, nous nous sommes concentré sur les rares travaux publiés menés dans un but ethno-archéologique. Il s’agit principalement des observations effectuées par John Burton dans les Hautes Terres de Papouasie-Nouvelle-Guinée en 1980-81 (Burton 1984, 1989) et des enquêtes de Pierre et Anne-Marie Pétrequin en Irian-Jaya durant les années 1980 (Pétrequin et Pétrequin 1990, 1993), travaux de terrain qui s’enrichissent de l’intégration de données historiques récentes pour proposer des modèles de fonctionnement du système des haches. La transposition de ces travaux sur le monde alpin est facilitée par le fait que les sociétés étudiées vivent pour la plupart dans les Hautes Terres, régions montagneuses à dénivelées importantes où les lames de hache cheminent à partir de carrières placées en altitude. Nous tirons également parti des conclusions principales des études menées sur l’exploitation du sel en Nouvelle-Guinée (Godelier 1969 ; Weller, Pétrequin et alii 1996) ainsi que dans les piémonts andins du Pérou (Renard-Casewitz 1993). Nous présentons au cours de ce chapitre les données qui nous permettent d’argumenter nos propositions, mais nous renvoyons le lecteur aux références citées ainsi qu’aux bibliographies qu’elles contiennent pour obtenir une documentation plus précise.

Nous avons choisi d’aborder cette synthèse par thèmes qui nous servent à mobiliser les faits mis en évidence et à proposer des interprétations par la confrontation avec les modèles ethno-archéologiques. Quatre points sont retenus :