a) 1965 – 1981 : La Préhistoire

1. Dans le monde, les premières expériences de presse sur les réseaux télématiques et sur le câble.

Notre périodisation s’appuie sur le travail de David Carlson qui propose une histoire chronologique très factuelle de l’édition électronique43. Il repère la demande de brevet de la BBC concernant « Teledata », le premier système Teletext dès 1971. Ce dernier sera rebaptisé Ceefax en 1972 au moment où les premières expérimentations seront engagées et rendues publiques. David Carlson note qu’en 1973 le New York Times gère dix bases de données accessibles par téléphone qui permettent de faire des recherches en ligne. Dès 1974, les anglais travaillent aussi sur Viewdata, premier système videotex qui prendra ensuite le nom de Prestel.

Durant ces années 70, de nombreux pays tentent de développer des systèmes télématiques. Les médias y sont souvent associés, fournissant un contenu précieux à ces expériences balbutiantes. En voici listées quelques-unes, parmi les plus importantes de ces années 70. Ainsi, en 1975, Reuter et Manhattan Cable Television (N° 1 dans la ville de New York) développent « Newsview » un service teletext d’information sur deux chaînes câblées. En France, à cette époque, on réfléchit au Télétel. Au Canada, on travaille sur Telidon un système videotex. En Finlande, le réseau se nomme Telset ; en Allemagne, Bildschirmtext ; au Japon, Captain ; aux Pays-Bas, Viditel, ... En 1978, Le Financial Times participe à la mise en place et à l’exploitation du service Fintel qui permet de délivrer de l’information financière grâce au réseau Prestel. Différents journaux des pays de l’Est se regroupent pour créer le service Eastel. En octobre 1978, c’est au tour du Birmingham Post and Mail de lancer son service appelé Viewtel 202 sur Prestel et en avril 1979, le groupe Knight-Ridder, premier éditeur de journaux aux États-Unis annonce qu’il prend en charge un projet videotex qui portera le nom de Viewtron. Et enfin, un consortium de journaux hollandais est créé en mai 1980 pour explorer les potentialités du videotex. Leur offre sera accessible sur Viditel. En 1981, on estime à 10.000 le nombre de terminaux Prestel en circulation et à 500 le nombre de fournisseurs de contenu sur ce réseau.

Bien évidemment, toutes ces expériences ne touchent pas directement la population des pays concernés. Même les articles scientifiques qui y sont consacrés ne sont pas légion... La plupart d’entre eux se contentent de décrire des expériences, tout en promettant d’importants bouleversements liés aux possibilités de la diffusion électronique. Ainsi, en 1979, Norman Morrisson considérant l’intérêt du groupe Knight-Ridder pour la diffusion électronique d’information, écrit que le vidéotex est le point d’entrée d’une nouvelle technologie, possédant l’ubiquité, l’interactivité et permettant de posséder une banque de données de taille illimitée44.

Par ailleurs, l’expérience Viewtel 202, souvent considérée par les analystes comme la première forme de journal électronique fait couler beaucoup d’encre45. Il s’agit de la mise à disposition sur le réseau Prestel du quotidien anglais The Birmingham Post and Mail associé par la suite au journal norvégien Bergens Tidende. Les expériences de Videotron et celle de Telidon se trouvent aussi décrites46. Le projet consiste en la diffusion en boucle sur les téléviseurs des 551.000 abonnés au câble, à Montréal, d’écrans d’informations nationales et internationales provenant du journal québécois La Presse 47 . Ces expériences permettent aux auteurs, chercheurs, essayistes et journalistes, d’aborder un certain nombre de points importants comme :

  • - la résistance du public ou la relative inertie des usages,

  • - l’effet de ce genre d’expérience sur le marché de l’édition papier lié aux petites annonces, aux programmes télévisés, aux ’pages jaunes’ ou aux informations boursières et sportives,

  • - l’indépendance du médium par rapport aux frontières et distances géographiques, les ressources économiques potentielles de ce type de média48.

Toutes ces expériences n’ont pas duré. Leur mérite tient essentiellement dans le fait qu’elles suscitent de nombreux commentaires et réflexions et posent des questions essentielles : avantages et inconvénients d’un tel médium ? Existe-t-il réellement une attente des consommateurs, un marché solvable pour ce type de produit ? Quelle forme doit-il avoir ? Quelle technique utiliser ? Constitue-t-il une menace à terme pour les journaux imprimés ?

Notes
43.

David Carlson est enseignant à l’université de Floride. Son travail sur l’histoire de l’édition électronique peut être consulté à l’adresse suivante : http://iml.jou.ufl.edu/carlson/frames.htm

44.

MORRISSON N., Viewtron, Viewdata Corporation of America, Dec. 1979, p. 329-333

45.

CHANIN A.S., « Officials of England’s ’electronic newspaper’ predict no early demise of print media », in Presstime, vol. 2, n° 12, Dec. 1980, p. 6-7 ou encore un article dans Newspaper Techniques, janvier 1982, p. 6-7 intitulé « The Viewtel 202 experience in Prestel ».

46.

WILKEN E., « Electronic newspaper debuts in Canada », in Editor and Publisher, 115 (50), Dec. 1981, p. 33

47.

Cette ’édition électronique’ du journal (qui utilisait le système Telidon) peut être considérée comme une préfiguration des chaînes d’information télévisée ou radiophonique en continu dont le principe est aussi le balayage de l’information répétée régulièrement et accessible à tout moment de la journée.

48.

Ces points se retrouvent dans plusieurs textes, notamment : SKREIEN N., « The relationship between traditional print newspaper and electronic publishing », Proceedings of the second world conference on viewdata, and teletext, London, Oct. 1981, 203-213 et CHANIN A.S., ibid.