2. En France, le Minitel et la presse : de la défiance aux premiers rapprochements49

En France, le secteur des télécommunications se trouvant être particulièrement en retard au milieu des années 70, l’État décide de produire un effort majeur en terme d’investissement économique et de développement technologique. En 1978, le rapport Nora / Minc vulgarise le concept de télématique (télécommunications – informatique)50 et une première expérimentation prendra place à Vélizy, bientôt suivie de celles de Versailles, du Val de Bièvre et d’Ile et vilaine. L’orientation choisie fut celle d’un service destiné au grand public avec un annuaire électronique comme contenu de base. L’objectif était double : créer une infrastructure qui ferait naître le besoin et familiariser les particuliers à l’usage des nouvelles technologies de l’information.

Concernant les relations de la presse avec ce nouveau média, une première période relativement conflictuelle est parfois occultée par les analystes51. François du Castel rapporte à ce sujet que la presse a d’abord considéré le Minitel comme un concurrent puisque positionné sur un territoire identique au sien : l’information et l’annonce52.

Face à cette menace, la presse attaque la DGT qui fait en retour le choix de l’affrontement. C’est seulement au début des années 80 et plus particulièrement avec le changement de Directeur Général en 1981 qu’une période de conciliation et de dialogue peut s’engager. Les premiers bilans de l’expérimentation de Vélizy laissent apparaître que les jeux et les services de messageries sont les plus consultés, suivis par les services d’information de la presse (le JEF – Journal électronique de Vélizy et Le Parisien Libéré) et les renseignements de grandes entreprises publiques (la SNCF). La presse comprend alors son intérêt à entrer dans le jeu ; les journaux découvrent leur capacité à s’imposer comme leader parmi les fournisseurs de contenu. Le 26 mars 1981, le Parisien Libéré innove en proposant une édition accessible par le Minitel, bientôt suivi par la plupart des grands titres de la presse française.

Notes
49.

L’histoire du développement du Minitel et ses relations avec la presse a été en partie établie à partir de deux ouvrages : MARCHAND Marie, Les paradis informationnels, Du Minitel aux services de communication du futur, éd. Masson / ENST, Paris, 1987, 245 p. et SEGUY Françoise, Stratégies publiques et formation d’un nouveau média, Analyse comparative des systèmes vidéotex de la R.F.A. et de la France (1978-1988), Thèse de Doctorat en Science de la Communication, Université Stendhal – Grenoble III, 1990, 440 p.

50.

NORA Simon, MINC Alain, L’informatisation de la société, (Rapport à M. le Président de la République), La Documentation Française, Paris, 1978, 162 p.

51.

Pierre CHAPIGNAC n’y fait effectivement pas du tout allusion dans son travail intitulé Préfiguration de la presse électronique : les leçons de la télématique, op. cit.

52.

DU CASTEL François, « Communication, l’approche du technicien », in L’ordre communicationnel, présenté par Du Castel F., Chambat P., Musso P., La Documentation Française et CNET-ENST, Paris, 1989, p. 325-328