II. Forme et discours médiatique

a) Du réel, de ses représentations et de leur mise en forme

Avant d’engager une réflexion sur l’intérêt d’un questionnement des formes dès lors que l’on cherche à décrypter la production discursive d’un média, exposons tout d’abord le postulat qui pour nous, se situe au fondement de notre travail, par-delà même les quelques pages qui suivent.

Ce postulat s’inscrit en rupture avec un des fondements majeurs de la philosophie qui envisage le monde à partir de la dichotomie entre le fond et la forme, la profondeur et la surface, entre l’ontologie des phénomènes et l’accessoire de leur manifestation, entre le réel et ses représentations... Pour rester sur le registre philosophique, nous préférons penser comme Nietzsche que « la surface figure la visibilité de la profondeur »91. Nous nous inscrivons aussi contre cette vision schématique qui oppose le monde réel, soit disant « vrai » au leurre des images et des récits qui en sont proposés ; qui distingue et hiérarchise le « vrai » et la représentation du « vrai ». Le réel ne sera toujours que non-sens et seuls les actes humains tentent désespérément de lui en donner.

S’il ne faut pas, de façon simpliste, opposer et hiérarchiser, il ne s’agit pas non plus, d’assimiler et de confondre. Pour éviter l’écueil de la dichotomie comme celui de l’amalgame, il faut travailler sur ces concepts fondamentaux, non pas dans une perspective philosophique concernée exclusivement par l’en-soi des phénomènes, mais bien plutôt dans celle d’une recherche en Sciences de l’Information et de la Communication, préoccupée par la question du sens et du sujet. Parce que s’intéresser aux moyens dont les hommes se dotent pour communiquer, c’est s’intéresser à cette volonté de donner du sens au réel que nous évoquions précédemment. L’enjeu est d’importance puisque, faut-il le rappeler, ces dispositifs communicationnels que les hommes élaborent (dont les médias font partie) en médiatisant notre rapport au monde façonnent en retour nos représentations.

Notes
91.

Commentaire de Clément Rosset sur la pensée de Nietzsche. ROSSET Clément, La force majeure, Éd. de Minuit, 1983, 105 p.