Précisons tout d’abord ce que nous entendons ici par journal électronique ou plutôt de quel type de journal électronique nous parlerons tout au long de ce travail car il apparaît rapidement que la notion est floue, polysémique. De plus, il apparait nécessaire de donner quelques limites à notre objet de recherche. Sans entrer dans les détails, il faut rappeler qu’il existe en effet, un certain nombre d’expériences pour diffuser de l’information d’actualité en utilisant les NTIC, expression, elle aussi largement polysémique. Aujourd’hui, le plus souvent, cela prend la forme d’un site Web, mais il existe aussi des distributions par fax, CD Rom, « pager », téléphone mobile, Palm Pilot, mail en texte intégral ou en résumé qui, dans ce dernier cas renvoie généralement au site Web, plus complet. Plus récemment, est annoncé à grand renfort de publicité et de battage médiatique, le prochain déferlement des nouveaux téléphones mobiles utilisant la norme UMTS et permettant de recevoir presque partout, à tout moment mais sur tout petit écran, à la fois textes, sons et images animées...
Pour nous, dans le cadre de cette recherche, le terme de « journal » renvoie à l’information quotidienne et le terme « électronique » fait référence à la technologie informatique en réseau. Pour être encore plus précis, nous avons choisi de considérer uniquement les sites web émanant d’entreprises de presse quotidienne qui font de la mise en forme de l’information d’actualité générale et de sa diffusion leur principal projet.
Quelques explications concernant cette définition et les raisons qui expliquent nos choix :
Le choix du site web s’explique parce qu’il s’agit de la forme la plus courante et donc majeure de présentation de l’information d’actualité sur l’Internet. Ainsi, même les producteurs qui utilisent la messagerie pour transmettre leurs informations considèrent généralement ce procédé comme un moyen d’inviter le destinataire à la connexion sur le site web auquel il est inévitablement fait référence. Par ailleurs, certaines technologies paraissent jouer un rôle périphérique ne semblant pas réellement mobiliser les producteurs d’information (pagers ou informations par téléphone). D’autres, comme le CD Rom, n’ont jamais vraiment dépassé le stade de l’expérience, en tout cas en ce qui concerne l’information d’actualité (sauf pour la vente d’archives). Enfin, la catégorie des technologies dont on nous promet le développement fulgurant paraît encore trop embryonnaire pour figurer dans ce travail.
Le terme d’actualité générale doit être compris ainsi : l’actualité concerne l’information proposée « à chaud » ; son renouvellement se fait au moins de façon quotidienne. Nous écartons ainsi, tous les sites d’informations pour lesquels il n’a pas été décidé d’investissements matériels et humains suffisants pour assurer une actualisation des contenus au moins quotidienne. Nous choisissons aussi, de ne pas considérer les sites émanant de la presse magazine, pourtant, actualisés parfois quotidiennement. À première vue, la frontière semble mince entre un site de presse quotidienne et un site de presse magazine ! Cependant, craignant les amalgames hâtifs entre des produits dont les concepteurs ne possèdent pas, à l’origine, la même culture, le même rapport à l’information et à la temporalité, il nous a semblé préférable de rester centrée sur nos options de départ.
Par ailleurs, l’information que nous voulons traiter est qualifiée de générale par opposition à thématique, spécialisée ou professionnelle. Ces types d’actualité sont difficilement comparables tant leurs modalités de fonctionnement diffèrent. Que l’on parle de télévision, de presse imprimée ou de journaux télématiques on constate que les offres d’informations sportives ou financières sont relativement aisées à rentabiliser. La passion du sport par exemple ou l’intérêt économique représentent depuis déjà plusieurs décennies des incitations à l’achat, à la consommation de produits médiatiques ; intérêt dont la puissance semble ne jamais devoir s’affaiblir.
En précisant que mise en forme et diffusion de l’information doivent représenter l’objectif principal, nous écartons ainsi les sites des moteurs de recherche et autres annuaires du web, ceux des administrations ou encore des entreprises qui considèrent l’information, au mieux comme un contenu parmi d’autres. Pour beaucoup cependant, l’information d’actualité n’est qu’un appât destiné à générer quelques connexions supplémentaires et permettant de créer une confusion sur la vocation principale des sites avant tout commerciaux, politiques ou autres.
Parce que nous souhaitons nous concentrer sur des produits qui émanent d’entreprises de presse quotidienne reconnues qui envisagent le journal électronique comme une diversification, un nouveau débouché pour leur fonds informationnel, une nouvelle opportunité d’exploiter leur savoir-faire en matière de mise en forme et de communication de l’information, nous avons écarté dans un premier temps, l’offre des agences de presse, principaux fournisseurs de nouvelles aux médias de masse. Les agences de presse développent aujourd’hui différentes stratégies, notamment en direction des entreprises et du « grand-public », alors que nombreux sont les consommateurs d’informations quotidiennes qui ignorent presque tout de leur rôle dans la chaîne de production médiatique. Du statut de sous-traitants dans l’ombre à celui de producteurs de contenus et diffuseurs « grand-public » aujourd’hui, le parcours des agences de presse est singulier. À cette spécificité, il faut ajouter que les informations en provenance des grandes agences de presse sont très présentes sur le réseau mais uniquement à partir des sites de leurs clients. Les journaux, mais aussi les entreprises ou même les particuliers peuvent s’abonner aux différents services que proposent les agences qui fournissent dès lors, un produit clé en main actualisé en permanence et estampillé « agence de presse ». Évolution, pratiques commerciales et modes de fonctionnement particuliers ; le sujet des agences de presse à l’heure du réseau Internet mériterait à lui tout seul l’espace d’une nouvelle thèse pour être traité sérieusement.
Dès la mise en chantier de cette étude, nous avons fait le choix de ne pas prendre en considération, dans le cadre de ce travail, les journaux en ligne parfois appelés « webzines ». Parutions hétérogènes dont la liste est quasi-infinie, dont l’existence et la pérennité sont plus qu’aléatoires. Par ailleurs, ces sites dépendant généralement de l’énergie et la motivation de quelques passionnés, bénévoles qui n’ont que très rarement, les qualifications, les compétences et les contraintes des journalistes professionnels110. Une autre raison nous fait écarter les « webzines » : ils traitent rarement de l’actualité générale, préférant se fixer sur un nombre restreint de thèmes de prédilection qui concernent à la fois les concepteurs des sites et leur petit groupe de lecteurs. Audience faible mais souvent acquise, fidèle et passionnée. Les termes du contrat sont, on le voit, bien différents de ceux des sites qui émanent d’importants groupes de communication et visent le plus grand nombre (ce qui n’est pas incompatible avec une offre et une consommation individualisées comme on le verra plus loin).
Autre grande famille de producteurs d’informations écartée volontairement dans le cadre de ce travail : les médias audiovisuels. Cela participe bien sûr du même souci de ne pas procéder à d’importants amalgames qui pourraient jeter le discrédit toute la recherche. Certes, certains grands groupes de communication nord-américains regroupent journaux, chaînes de radio et de télévision. Mais par principe, nous avons fait le choix de considérer uniquement les sites dont il était clair que le média référent, le média « père » se trouvait être un titre de la presse quotidienne imprimée.
Pour reprendre l’essentiel des raisons qui ont contribué à tracer les frontières de nos perspectives de recherche, nous pouvons dire, que d’un point de vue strictement pratique, dans un univers soumis à de fréquents bouleversements (alliances économiques, apparition/disparition d’acteurs, introduction de nouvelles technologies, de nouveaux concepts, stratégies d’annonces, rumeurs, prédictions, commentaires contradictoires, etc...) nous avons choisi de nous concentrer sur les sites Internet d’information d’actualité générale de la presse quotidienne imprimée. Ceci, pour éviter de nous égarer. Bien entendu, il sera donc toujours possible d’établir un parallèle, une comparaison rapide avec tel ou tel autre site émanant d’une chaîne de télévision, de radio ou bien encore d’un magazine. Bien évidemment, nous ne nous interdirons pas de faire référence à tel ou tel site dont il est question dans les forums de discussion ou dans les tribunes des consultants spécialisés dans la presse en ligne...
Nous ne souhaitons pas ici reprendre les éléments qui posent problème quant à la notion de professionnalisme des journalistes (attribution des cartes de presse, parcours de formation et savoir-faire hétérogènes, etc...) présentés notamment par Denis RUELLAN dans son livre intitulé Le professionnalisme du flou, identité et savoir-faire des journalistes français, Presses universitaires de Grenoble, 1993, 240 p. Nous entendons par journalistes professionnels tous les journalistes qui vivent de leur profession, qu’ils soient ou non intégrés de façon statutaire dans les structures médiatiques qui les rémunèrent, et, dont les savoir-faire dans le traitement de l’information, que ce soit au niveau de sa sélection de son traitement, de sa mise en forme est indéniable qu’il ait été acquis à l’école ou « sur le tas ».