3. Journalistes et éditeurs solidaires dans l’adversité

Autre front dans la guerre des contenus : celui des nouveaux entrants sur le marché de l’information en ligne. La « newsletter » de l’AMJ en mars 1997 publie un entretien avec Michel Godmer, directeur éditorial de la société de gestion du Figaro. Selon ce dernier, « les éditeurs risquent de se voir dépossédés de leur capital éditorial ». Il s’agirait d’un « danger industriel » incarné par « de nouveaux intervenants », « de véritables prédateurs ! Parmi eux, les opérateurs des télécommunications sont les plus puissants et les plus avides afin de doter leurs réseaux de contenus à très forte valeur ajoutée.»171

Le « danger industriel » a récemment pris la forme d’entreprises (« jeunes pousses » ou « start up »), fondant l’essentiel de leur activité sur des logiciels appelés des « agrégateurs de contenus ». En avril 2000, Libération, sous la plume de Laurent Mauriac déclare refuser « le pillage de son site »172. Ces « agrégateurs de contenus » ressemblent à s’y méprendre à des moteurs de recherche qui référencent les articles des sites de presse et les organisant sous forme de listes thématiques qu’ils proposent à leurs abonnés en fonction de leurs centres d’intérêts. Les articles sont présentés à partir de la reproduction de leur titre et sous-titre, diffusés sous la forme « d’alerte e-mail »173. Ce type de service est qualifié par les éditeurs de « parasite », scandalisés de ne pas avoir été contactés préalablement, de façon à négocier un accord. Sept éditeurs français se sont donc mobilisés, sommant les « agrégateurs » de retirer tout lien, toute référence à leur site et rendant publique une « Charte d’édition électronique ». Y sont définis les droits et devoirs des éditeurs et utilisateurs du Web, les modalités de référencement des contenus (avec ou sans autorisation préalable)174. Les éditeurs ne tolèrent pas que des sociétés puissent vivre en exploitant des contenus qu’ils n’ont en aucun cas contribué à produire (ni intellectuellement, ni financièrement).

Les éditeurs luttent aussi contre les sites qui donnent accès à leur contenu sans changement visible d’adresse par exemple, ce qui, d’après la législation allemande notamment, constitue un délit au regard de la loi sur le droit de la concurrence puisque « les efforts d’un tiers sont utilisés à son propre avantage »175. Et l’expert Klaus M. Brisch de conclure :

‘« À l’avenir, une harmonisation plus poussée des différentes législations en vigueur sera nécessaire afin de protéger les droits d’auteur et les différents contenus contre une concurrence déloyale et contre la diffusion de contenus illégaux. »176
Notes
171.

Association Mondiale des Journaux, Newsletter n°4, mars 1997, p. 8

172.

Libération, 5 avril 2000, « Sept éditeurs tentent d’arracher leurs liens indésirables » par Laurent Mauriac.

173.

Ces “alertes e-mail” sont simplement des courriers électroniques envoyés de façon automatique à l’abonné dès que le logiciel détecte la présence d’une information correspondant aux centres d’intérêts annoncés par ce dernier.

174.

Charte reproduite intégralement dans Légipresse n°171, mai 2000, IV-p.3-4 et placée en annexe 3.

175.

Techniques de presse, décembre 1998, « Le WWW à l’épreuve du droit », par Klaus M. Brisch.

176.

ibid