b) Observation des pages d’accueil retenues

1. Quelques constats

Si nous avons longuement exposé la gêne qu’occasionne les problèmes d’enregistrement du corpus, nous n’avons pas encore parlé de l’autre problème auquel nous avons été confronté alors que nous tentions de questionner nos écrans avec plus d’exigence.

En effet, la barrière du langage qui ne s’était pas réellement avérée significative alors que nous souhaitions vérifier que les sites enregistrés répondaient bien aux critères essentiels de la recherche (actualité quotidienne et information générale) a été beaucoup plus problématique dès que nous avons voulu observer nos pages de façon détaillée. Cette remarque paraît tellement évidente que le simple fait d’avoir envisagé de travailler sur des sites réalisés au Japon, en Finlande ou en Thaïlande pourrait être considéré comme une erreur stratégique dans la conduite du travail. Or, ne pas avoir exclu par avance les sites des pays dont nous ne maîtrisons pas la langue nous a permis de vérifier au moins un point important. Il semble en effet que les éditeurs vivant dans des pays dont la langue est peu parlée ailleurs dans le monde ne font que rarement le choix de s’exprimer dans une autre langue, plus internationale, pour accroître leur public potentiel (sauf peut-être en Asie où pour la moitié des pages d’accueil étudiées, la langue utilisée est différente du langage national). Constater qu’un faible pourcentage de sites (10% en moyenne sur l’ensembles des sites du corpus) propose de l’information dans une langue différente (généralement l’anglais) de celle qui est normalement utilisée par les habitants du pays nous permet de considérer qu’en 1998, la majorité des sites s’adresse à leurs concitoyens avant d’être une vitrine internationale.

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Cependant, pour nuancer cette remarque et prendre en considération ceux qui préfèrent s’exprimer dans une langue internationalement comprise, il faut émettre l’hypothèse que dans certains cas, la nécessité de télécharger un alphabet spécifique pour accéder au contenu d’un site peut rebuter. Cela peut expliquer que certains éditeurs fassent le choix de l’anglais ou du français, a fortiori si les pays concernés, du fait de leur passé colonial, conservent un lien fort avec ces langues (ce qui semble être le cas pour certains états d’Asie, d’Afrique...). Faire usage de ce qui fut la langue officielle du temps de la colonisation est classique, en matière de presse imprimée notamment, dans de nombreux pays où le lectorat des journaux se situe le plus souvent au sein de l’élite alphabétisée et cultivée. Quand, pour sa diffusion, l’information emprunte les réseaux informatiques plutôt que le journal papier, le choix de la langue des élites devient presque une obligation...

Enfin, l’histogramme concernant ce que nous avons appelé les problèmes qualitatifs de l’observation rappelle, s’il en était besoin, que si l’usage de l’anglais, de l’espagnol et du français domine, il demeure une grande diversité de langues notamment en Asie et en Europe, diversité qui explique le pourcentage de difficultés de compréhension dans ces deux régions (47% en Europe et 31% en Asie).

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Considérant ces réserves d’ordre linguistique, nous avons poursuivi notre travail. Plus précisément, nous avons commencé l’observation de nos sites de façon systématique, à partir d’une grille d’analyse324. Pour la construire, nous nous sommes donné pour but de vérifier certaines affirmations lues dans la presse ainsi que nos intuitions nées de la première confrontation avec ces enregistrements. Procéder ainsi n’a pas posé de problème majeur tant que nous ne consultions que les sites canadiens dont la qualité s’avère, dans l’ensemble, très satisfaisante. À l’inverse et à notre grande surprise, sauf à considérer que nous avons souffert des fameux problèmes d’« encombrements » sur le réseau, la qualité des enregistrements de sites situés aux Etats-Unis nous a beaucoup déçu (plus de 75% des sites ne sont que partiellement enregistrés). Progressivement, nous avons cessé de respecter strictement l’ordre des listes établies pour préférer les sites correctement enregistrés et exploitables.

Malgré tout, certaines difficultés se sont avérées incontournables. Ainsi, comme cela apparaît nettement dans l’histogramme concernant les problèmes rencontrés au moment d’observer plus finement notre corpus, dans la catégorie « téléchargement incomplet », l’Asie remporte la « Palme d’Or » ! Que mettre en cause dans ce cas ? La qualité des infrastructures de télécommunication ou les mystérieux itinéraires empruntés par nos « paquets » de données ? Comment expliquer encore la relative réussite de l’Afrique en ce domaine ? Peut-être par la qualité technique de l’hébergement d’Africa Online et la relative simplicité ou « légèreté » des sites qui ne proposent que rarement images et animations graphiques ? Il n’est pas dans nos moyens de vérifier ces suppositions. Il demeurera donc une certaine indécision quant aux causes d’échec qui nous ont tant contrariée.

Voyons maintenant quels enseignements nous pouvons tirer de l’observation de ces quelques 175 pages d’accueil nous appuyant sur les histogrammes réalisés à partir des thèmes et questions de notre grille d’analyse. Celle-ci s’articule autour de deux grands axes :

  • les modes de valorisation développés en pages d’accueil

  • et les signes de la filiation ou les spécificités revendiqués dès le niveau de cette même page d’accueil.

Notes
324.

Voir en annexe 7.