A. Le dispositif matériel de l’informatique télécommunicante

I. L’équipement matériel : les outils de la communication

De part et d’autre de la communication (via les réseaux informatiques), on trouve généralement le même type d’équipement de base auquel on donne de façon générique le terme d’ordinateur. Ce dernier regroupe communément l’unité centrale et ses divers périphériques d’entrée et sortie qui sont pour l’essentiel un écran, un clavier, une souris et une imprimante auxquels il faut ajouter la catégorie importante (au moins en nombre) des câbles qui relient tous les éléments et connectent l’ensemble au réseau éléctrique et téléphonique. Fonder ce travail sur une distinction entre l’équipement en production et en consultation ne nous semble pas réellement justifié. Les équipes de production des rédactions en ligne (rédacteurs, webmasters, etc.) travaillent sur des micro-ordinateurs identiques à ceux des internautes. Entre les deux pôles (production et consultation) se trouvent un ou des serveurs aux fonctions distinctes (gestion des bannières publicitaires, des images, des archives, des connexions...). Pour parler du système qui lie un micro-ordinateur à un serveur, les informaticiens utilisent généralement les termes d’ “architecture” ou de mode de connexion “client-serveur” par opposition au mode de connexion “maître-esclave”. Dans ce dernier cas, les terminaux clients ne disposant d’aucune autonomie, le déroulement des opérations est initié et intégralement géré par les programmes implantés sur des ordinateurs centraux (serveurs). Ce type de fonctionnement en vigueur dans certaines entreprises (VPC, traitements d’enquêtes et sondages...) est en réalité, fort éloigné du dispositif de la presse en ligne. En effet, dans ce dernier cas, le modèle s’apparente à celui de “client-serveur”, dans lequel les terminaux sont des micro-ordinateurs dotés d’autonomie. Le pôle client (en consultation comme en production) devient actif, capable de prendre l’initiative, d’évoluer à travers les ressources disponibles. Quant au serveur, il constitue un intermédiaire indispensable à la gestion de plusieurs demandes simultanées.

Si la distinction serveur / usager (client) est utile aux concepteurs de réseaux, services et applications informatiques (intranet, services professionnels...), elle est régulièrement remise en question avec le développement du réseau Internet et surtout de certains logiciels relayés par des sites/plateformes qui ont fait la Une des journaux au début de l’année 2001. Ainsi, Napster, dénoncé par les plus grandes maisons de production musicale nord-américaines et récemment condamné par la justice344, avait pour principale caractéristique de transformer en serveur tous les ordinateurs connectés au réseau Internet et en possession d’une version de ce logiciel gratuit. Conséquence majeure, les internautes pouvaient sans difficultés trouver ce qu’ils cherchaient sur les disques durs d’autres internautes, la recherche étant automatiquement gérée par Napster. En détournant les internautes des sites officiels, Napster lésait les majors de la production musicale nord-américaine de revenus substantiels (à la fois ceux de la publicité, du fait du faible nombre de connexions sur leurs sites désertés, et ceux des ventes de morceaux musicaux en ligne puisqu’il était fort aisé de les télécharger gratuitement ailleurs) et posait le délicat problème des droits d’auteurs. Apparenté à un acte de piratage, l’utilisation du logiciel Napster devait donc cesser, impérativement. Mais si Napster meurt, d’autres logiciels existent sur le même principe de la mise en réseau généralisée des informations, de la circulation des données en dehors des chemins balisés par les marchands. Piratage ou partage, quel que soit le terme utilisé pour qualifier l’usage de ces logiciels, les développements du réseau que d’aucuns prétendent irréversibles345, rendent caduque l’usage du mot terminal pour désigner l’ordinateur personnel et ébranle potentiellement tous les systèmes “client-serveur” connectés à l’Internet, à la base de l’économie du réseau puisqu’à travers le serveur se joue la gestion des connexions, l’établissement des tarifs publicitaires en fonction de la fréquentation du site, la vente en ligne, le renvoi des internautes sur des sites partenaires etc... à condition que les internautes continuent à interroger les serveurs officiels, à condition que l’information ne circule hors des sentiers balisés par les producteurs. Tant que l’information est offerte gratuitement ou à très faible prix, contournement et transgression des règles n’ont probablement moins de raisons objectives de se développer.

Pour résumer de façon schématique, le dispositif de la presse en ligne est donc constitué de micro-ordinateurs en production comme en consultation, avec entre les deux, divers serveurs qui gèrent les connexions, répondant aux demandes qui leur parviennent. L’univers de l’informatique en réseau est occupé par des machines et des technologies que les hommes créent, utilisent et détournent parfois.

Le langage commun emploie le terme d’ordinateur comme s’il s’agissait d’une entité alors qu’il convient de distinguer quelques-uns des éléments qui le composent : l’unité centrale ou disque dur, l’écran et les divers périphériques. Si l’unité centrale constitue l’essentiel du dispositif, il demeure que l’écran est l’élément le plus séduisant, visuellement le plus présent. C’est pourquoi nous faisons le choix de débuter cette réflexion sur l’équipement matériel par l’écran.

Notes
344.

Le 12 février 2001, la condamnation est confirmée par la Cour d’Appel de San Francisco. Le 5 mars, l’obligation de bloquer l’accès aux morceaux de musique protégés par un copyright est notifiée aux gestionnaires de Napster. Le 14 mars, le site installe un filtre dont les résultats semblent insuffisants aux yeux du juge fédéral chargé du dossier (M. Hall Patel) comme le rapporte Le Monde Interactif. Voir l’article intitulé « Napster, le “monstre” des labels menacé de fermeture » mis à jour le 11 avril 2001, consulté le 5 juin 2001 sur :

http://interactif.lemonde.fr/squelette/pour_imprimer/0,5614,2857—172298-0,00.html

345.

On peut lire par exemple dans Le Monde Interactif que « les démêlés de Napster avec la justice ne devraient pas enrayer les pratiques d’échanges de fichiers musicaux de “pair à pair” (“peer to peer” en anglais, ou P2P) sur la Toile. [...] Contrer le développement d’un système comme Ohaha, reviendrait donc à poursuivre chaque utilisateur. Ce qui, là encore, est illusoire puisque les protocoles d’échange décentralisés mis à profit par Ohaha garantissent en principe le plus strict anonymat...La chute annoncée de Napster semble donc n’être que le premier chapitre de l’histoire du P2P. » Article de Stéphane Foucart, “Ohaha, le monstre à trois têtes du “peer-to-peer”, mis à jour le 1er mars 2001, consulté le 5 juin 2001, à l’adresse :

http://interactif.lemonde.fr/squelette/pour_imprimer/0,5614,2857—154767-0,00.html

On pourrait citer de nombreux autres articles sur le sujet. Nous nous contenterons ici de donner quelques références : Nidam Abdi dans Libération daté des 9 et 10 décembre 2000 signe un article intitulé « Servons-nous, c’est gratuit ». Dans la rubrique Rebonds de Libération du 23 février 2001, Ariel Kyrou signe un texte intitulé « Sur le Net, copier n’est pas voler ». Le 3 mars 2001, Libération toujours, publie un dossier sur Napster et les pratiques de piratage intitulé « Tous pirates », enfin le 10 mars 2001, Libération pronostique « Un Napter de perdu, dix de retrouvés »...