2. La souris : le pouvoir de manipulation

La souris est un périphérique d’entrée livré systématiquement avec tout micro-ordinateur (tout comme le clavier) qui permet d’agir sur les objets d’une interface graphique. Le stylet ou crayon optique qui lui est apparenté n’a pas connu le même succès. Plus spécifiquement utilisé dans le cadre de certaines applications graphiques, son usage demeure marginal. Peut-être qu’à trop vouloir reproduire les anciens outils, les industriels de l’informatique oublient que le nouveau dispositif technique en dénature les propriétés essentielles. La gêne provoquée par une similitude de forme associée à des fonctionalités fort différentes s’avère plus importante qu’une nouveauté radicalement affichée. Pour le dessinateur, le graphiste, le stylet optique ne sera jamais un crayon mais plutôt un pointeur (très rares sont les graphistes qui dessinent ou écrivent avec). C’est pourquoi cet outil, du fait de sa finesse, connaîtra problablement plus de succès avec la miniaturisation des ordinateurs. Se substituant aux doigts de l’utilisateur, il permet de taper sur un clavier de taille réduite ou de sélectionner des éléments sur un écran dont la surface est fort restreinte.

Pour en revenir à la souris, dont l’usage est plus répandu, il est rapporté dans la rubrique “Sabir Cyber” du Monde Interactif 358 que son nom a été imaginé par les collaborateurs de Doug Engelbart, son inventeur en 1963. L’objet, à l’époque, présentait deux boutons proéminants et était relié à l’ordinateur par un fil qui partait de l’arrière de la coque en plastique, ce qui explique en partie le choix de ce nom. Par-delà la ressemblance formelle, il semble que les qualités d’habileté et de rapidité conférées à l’objet aient aussi contribué au rapprochement entre l’outil informatique et l’animal.

Par rapport au clavier, la manipulation de la souris paraît plus intuitive même si elle nécessite un certain apprentissage comme en témoigne la maladresse de certains usagers lors des premiers contacts. Ce petit objet, d’usage en apparence limité, permet en réalité diverses actions (cliquer, glisser et cliquer-glisser) qui correspondent à sélectionner, déplacer, activer, dérouler (un menu). C’est encore un peu plus complexe sur les souris des ordinateurs PC (qui fonctionnent sous Windows) puisque celles-ci présentent deux boutons dont l’usage combiné multiplie les fonctionnalités359 (une molette est venu récemment s’ajouter aux deux boutons).

Généralement reliée par un fil à l’ordinateur, elle doit toujours rester en contact avec une surface plane (bureau, tapis de souris, etc.) pour fonctionner. Si le fil constitue une limite à la gestualité, ce sont surtout les surfaces de contact, souvent fort restreintes si l’on considère la taille des tapis de souris, qui posent problèmes aux débutants comme aux jeunes enfants. La possibilité de rompre le contact pour recentrer l’outil à sa convenance n’est pas immédiatement évidente pour tous... Que l’utilisateur intervienne sur un document graphiquement plus élaboré qu’une simple page de texte ou qu’il se contente de consulter une page Web, la souris sera son outil de prédilection. Ainsi, l’internaute qui consulte la presse en ligne, en contact constant avec la souris qu’il ne lâche à aucun moment (elle-même reliée par un câble au clavier relié à l’unité centrale relié à l’écran), semble attaché physiquement au dispositif qu’il manipule. La souris apparaît comme le prolongement de la main de l’utilisateur, instrument dont les propriétés paradoxales sont à la fois d’imposer une attache, des liens matériels et de permettre la manipulation à distance des objets immatériels de l’interface et des documents consultés.

Loin de la simplicité visible de l’action mécanique, le caractère magique de l’action à distance peut troubler certains usagers. La manipulation de la souris constitue d’ailleurs le premier obstacle majeur à franchir dans la découverte de l’ordinateur par les très jeunes enfants. L’action à distance à laquelle s’ajoutent les capacités de calcul de la machine, de réponses aux commandes et requêtes de l’utilisateur, sont à l’origine de nombreux discours sur l’interactivité. Nous reviendons plus loin et à plusieurs reprises sur ce concept fondamental.

Notes
358.

édition du 22 mars 2000, consultée le 21 mai 2001 sur :

http://interactif.lemonde.fr/squelette/pour_imprimer/0,56142848—47185-0,00.html

359.

Le détail des fonctionnalités de la souris est plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord comme en témoigne les tableaux qui répertorient les potentialités de “l’interface souris” in Interface Windows. Guide d’ergonomie, édition française, éd. Microsoft Press, Paris, 1996, p. 431-432