e) Gestion de l’affichage dynamique

Quiconque a déjà navigué sur le Web a eu l’occasion de s’interroger au sujet des différentes modalités d’affichage à l’écran des pages demandées. Force est de constater que ces dernières nous apparaissent de diverses manières qui n’ont rien à voir avec les éventuels problèmes d’encombrements sur le réseau. L’affichage des pages est dynamique en ce sens que les pages se révèlent à l’internaute plus ou moins progressivement, selon des règles déterminées par les concepteurs des sites.

Il y a ceux qui laissent les internautes devant un écran vide tout le temps nécessaire aux « paquets » d’information d’atteindre leur but et de reformer un ensemble cohérent, à ce moment seulement la totalité de la page s’affiche à l’écran. Cette option a pour avantage de ne pas présenter de pages incomplètes, fragmentées, déconstruites mais l’inconvénient majeur de générer de l’impatience voire de l’agacement liés à un temps d’attente trop long ; un moment de vide, d’incertitude sans que soit pris en charge ce temps de dépossession totale ou l’internaute n’a que le choix de patienter ou de battre en retraite. Si la page demandée est déjà connue ou suffisamment prometteuse, l’internaute acceptera plus volontiers de subir l’attente ; si la promesse est incertaine, patienter sera plus difficile.

Les concepteurs de site peuvent préférer un mode d’affichage progressif. Dans ce cas, les éléments s’afficheront un à un dans un ordre plus ou moins défini. Si l’on prête un peu d’attention à ce qui s’affiche dans la barre de navigation, on comprend que certaines pages n’existent pas réellement en dehors de l’instant où l’internaute les convoque sur son écran. En effet, des ordres successifs appellent les divers éléments qui constituent la page ; d’abord le cadre et le fond par exemple, puis la bannière publicitaire envoyée par la régie, divers textes, puis enfin, les images, expédiées par un « serveur-maison » dédié à la gestion de ces dernières ... Cet affichage progressif présente l’avantage de faire patienter l’internaute qui scrute son écran un peu comme un photographe surveille l’apparition de l’image dans le bain de révélateur. Déterminer l’ordre d’apparition des éléments de la page présente cependant des inconvénients. Cela implique l’existence, même fugace, d’une page incomplète, sans équilibre formel, et surtout c’est une manière de contraindre l’internaute à prêter attention à la publicité, pour quelques secondes seule à l’écran.

La page Web apparaît dès lors comme un objet virtuel, ce qui rappelons-le n’est pas synonyme d’immatérialité. Cette existence éphémère est une des caractéristiques fondamentales qui distingue l’écrit d’écran du texte imprimé selon Yves Jeanneret et Emmanuël Souchier.

‘« L’écran n’existe que par le temps et le mouvement, lors même que la page du livre est pérenne et fixe. »442

Comme pour la définition du format ou la structure à la base de la construction graphique, le mode d’apparition des pages Web répond à des règles d’élaboration invisibles, à des ordres cachés qui conditionnent leur apparence et la perception qu’on en a. L’affichage dynamique des pages Web peut être rapproché d’une forme de générique où s’inscrivent à l’écran les différentes pièces du puzzle. L’ordre d’apparition signe des choix stratégiques, comme le fait de donner la priorité aux financeurs ou de choisir de présenter la page dans son intégralité, choix qu’il appartient à la recherche de révéler. Il demeure que si la mise en forme graphique de pages Web apparaît comme difficile à stabiliser, la maîtrise se situe quand même du côté des concepteurs qui usent de tous les moyens à leur disposition, souvent imperceptibles par l’usager, pour proposer un produit qui réponde à des objectifs liés à leur stratégie de développement : accessibilité par le plus grand nombre (y compris les personnes les moins bien équipées), réflexion sur la signalétique des parcours pour guider tout en précisant les limites du territoire, possibilité de séduire les annonceurs par la visibilité imposée des bannières...

Notes
442.

JEANNERET Yves, SOUCHIER Emmanuël, « Pour une poétique de “l’écrit”d’écran” », in Xoana, images et sciences sociales, éd. Jean-Michel Place, n°6/7, 1999, p. 99