II. Organiser, structurer : fonctions essentielles de l’éditeur de presse

Après les questions concernant l’identification de l’émetteur, il apparaît nécessaire de nous intéresser à une autre dimension de la forme des sites de presse : celle de l’agencement de l’offre, celle de la maquette. Ce que nous appelons ici maquette correspond à une mise en page dont certains éléments essentiels sont récurrents d’un jour sur l’autre ; la maquette est à comprendre ici presque comme un invariant de la forme. De nombreux concepteurs multimédias, souvent sans grande culture de la « chose imprimée »473, nomment « charte graphique »474 ce que les professionnels de l’édition appellent maquette. Par cet emprunt terminologique, ils revendiquent un travail graphique rigoureux qui établit des règles à respecter. La maquette ou « charte graphique » constitue un cadre récurrent d’une page à l’autre, ou d’un jour sur l’autre, presque un moule dans lequel les concepteurs des contenus viennent loger leurs messages. Nous choisissons le terme « loger » parce que la maquette d’un site est comme un édifice, un bâtiment dont nous allons étudier les caractéristiques de construction, de structure, de forme, l’architecture en quelque sorte.

Cette étude de l’agencement, de la structure formelle des sites de la presse en ligne nous semble devoir figurer tout naturellement dans le cadre de la réflexion que nous menons sur l’énonciation éditoriale. Les éditeurs de la presse imprimée savent son importance tant les réactions du lectorat sont vives au moindre changement de maquette du journal. Dans son analyse concernant la mise en page du journal quotidien, Jean-François Tétu considère qu’elle constitue un des fondements de l’identité d’un titre, de sa personnalité475. Il nous appartient de vérifier si ce constat peut être transposé à l’édition en ligne du journal, poursuivant notre analyse, articulant la recherche des dénominateurs communs qui nous autorisent à parler de la presse en ligne en général et le repérage des signes distinctifs, des signes particuliers, des marques d’une énonciation éditoriale propre à chaque titre.

Notes
473.

Nous utilisons cette expression en référence à l’indispensable “Encyclopédie de la chose imprimée, du papier à l’écran”, réalisée sous la direction de COMBIER Marc, PESEZ Yvette, éd. Retz, Paris, 1999, 544 p.

474.

La charte graphique qui précise tous les usages possibles du logotype d’une organisation mais aussi parfois l’agencements des locaux, les vêtements etc. est aussi appelée “livre de normes” par les professionnels spécialistes en création d’identité visuelle. Ce dernier nom est encore plus significatif quant à la rigueur de ce type de document et le respect des règles édictées qu’il suppose. Rien ne s’oppose bien sûr à l’usage de ces termes, surtout dans le cas de la maquette des journaux dont on sait qu’elle participe justement, de façon fondamentale, à l’élaboration de leur identité visuelle. Cependant, nous considérons cette terminologie impropre et abusive dans le cas de créations de sites web d’entreprises, susceptibles de changer de forme au gré des modes et des envies. Alors que l’usage du mot “maquette” suffirait, ce détournement conceptuel nous semble constituer le moyen de revendiquer et de s’approprier à peu de frais, des qualités qui font encore souvent défaut aux créateurs de sites web : une culture graphique exigeante et rigoureuse.

475.

MOUILLAUD Maurice, TÉTU Jean-François, Le journal quotidien, op. cit., voir tout le chapitre sur la mise en page, p. 55-73.