III. Choisir, illustrer, mettre en valeur l’information : créer l’événement, expression fondamentale de l’énonciation éditoriale

De nombreux travaux se sont intéressés à la façon dont les médias pouvaient créer l’événement494. Dans la presse imprimée, la mise en forme d’une information contribue de façon essentielle à lui conférer le statut d’événement et ce travail formel participe, bien entendu, de l’énonciation éditoriale. Le journal Paris-Match ne se définit-il pas lui-même à partir de son fameux slogan publicitaire « Le poids des mots, le choc des photos » ? Les quotidiens nous ont habitués à la mise en forme particulière de la Une : le choix des photographies pour illustrer une information comme celui de ne pas en faire usage ou encore le jeu sur la typographie des titres nous renseignent sur la ligne éditoriale des journaux. Habitués de la fréquentation des journaux, le traitement des illustrations et des titres nous permet de distinguer au premier coup d’oeil un titre de la presse à scandale ou un titre plus « conventionnel » qui affichera une image de Une plus discrète, plus réservée, plus modérée. La taille des titres apporte une tonalité à la page (et au journal tout entier), elle introduit une dimension sonore. Le « gros titre » à la Une s’apparente à un cri que l’on entend encore parfois dans les pays où se pratique la vente des journaux, au carrefour des rues, à la criée. Les images à la Une, qu’elles cherchent à informer, illustrer, authentifier, argumenter ou simplement à émouvoir, participent d’un plaisir visuel apprécié du public et peu de médias peuvent en faire l’économie. Considérant l’importance de l’image en général, du travail de mise en forme des titres et du choix des illustrations dans la presse imprimée en particulier, il convient de s’interroger sur les pratiques éditoriales de la presse en ligne sur ces deux points. Compte tenu des contraintes du dispositif technique (notamment la petite surface des écrans et le système des affichages successifs et fragmentés), comment les éditeurs mettent-ils en forme l’information ?

Après la découverte de la construction tabulaire des pages d’accueil, la même question que nous nous posions au sujet de la mise en page envisagée comme une « rhétorique de l’espace » se pose à nouveau concernant la mise en forme des informations. Quel traitement, le site Web inflige-t-il à l’information et que pouvons-nous en déduire concernant l’énonciation éditoriale ? Si, comme l’affirme Jean-François Tétu « l’information n’existe que mise en forme »495, la véritable question concerne in fine, la nature des informations diffusées sur les sites Web de la presse quotidienne ; par voie de conséquence, elle interroge aussi la nature des journaux en ligne eux-mêmes.

Pour tenter d’apporter des réponses à ces questions fondamentales, nous avons interrogé notre corpus de pages d’accueil, complété par un travail sur les pages intérieures, concernant l’usage qui est fait de l’illustration et des jeux formels sur les titres. Pour finir nous examinerons ce que les journaux valorisent en premier lieu, à partir de l’étude de ce qui s’affiche à l’écran sans qu’il soit nécessaire de faire défiler la page.

Notes
494.

Sans les citer tous, rappelons toutefois le travail d’Eliseo Veron sur le sujet. VERON Eliseo, Construire l’événement, Les médias et l’accident de Three Mile Island, Paris, éd. de Minuit, 1981, 176 p.

495.

MOUILAUD Maurice, TÉTU Jean-François, Le journal quotidien, op. cit., p. 56