PARTIE I : UNE ECRITURE DE LA REVELATION

Introduction

‘« L’étrange est au fond que la grâce nous atteigne, quand tous nos efforts tendent à nous rendre inaccessibles. L’étrange est que - par la faveur d’une attente, d’un regard ou d’un rire - nous accédions parfois à ce huitième jour de la semaine, qui ne commence et ne s’épuise en aucun temps. C’est dans l’espérance de telles choses que je vis, et c’est sous cette lumière que j’écris, goûtant à la beauté des jours qui s’en vont. Ecrire, sans doute, est vain, et il n’est pas sûr que cela empêche la nuit de venir, pas sûr du tout, somme toute, cela peut sembler aussi vain d’aimer, de chanter ou de cueillir les premières pervenches - pâles et tendres comme au sortir d’une longue maladie - pour les amener dans la chambre déserte. Je les regarde, j’écoute leur leçon : rien ne s’ouvre ainsi, que dans le centre obscur de l’oisiveté, que dans l’apparent remords d’une inutilité. J’écris, je n’écris pas. »44

Le Huitième jour de la semaine est un livre de Christian Bobin de petit format (pas plus grand qu’une main), paru en 1986 dans une petite maison d’édition. La couverture est de couleur claire, en papier cartonné, les pages à découper soi-même lors de la première lecture. Trois textes d’inégale longueur forment le corps de l’ouvrage : « le huitième jour de la semaine », puis « lettre oubliée entre deux pages », et enfin « l’insouciant ruisseau qui va en nous ». Décrire le contenu de chacune de ces parties semble à première vue difficile. Sont-elles véritablement distinctes ? Entre la méditation poétique qui se dégage de la première, la lettre adressée à une femme formant la seconde, et le souvenir biographique contenu dans la troisième, Bobin traite-t-il d’autre chose que de l’ensemble des thèmes évoqués dans le passage ci-dessus ? D’un bout à l’autre de l’ouvrage, il est bien question d’une certaine  grâce qui s’atteint à l’insu de l’auteur et du lecteur, pour peu qu’ils gardent l’état d’esprit propice, c’est-à-dire l’insouciance de l’enfance. L’oisiveté figure en bonne place dans les attitudes permettant d’accéder à cet état, et l’écriture porte les traces soupçonneuses d’une activité vaine. Attendre un « regard » ou un « rire », ne rien entreprendre de sérieux ou de constructif sont les consignes qu’un bouquet de pervenches suggère à l’auteur. En quelques phrases, le propos est ainsi défini : l’écrivain indique à la fois l’état qu’on pourrait atteindre dans sa vie personnelle, ainsi que le moyen pour y parvenir, c’est-à-dire l’attitude autorisant l’accession à la grâce. Sans qu’il soit explicitement fait référence à une croyance ou doctrine religieuse particulière, le vocabulaire employé est emprunt de mysticisme, la grâce n’étant pas un terme d’emploi profane et neutre. L’extrait présente ainsi en peu de mots une des propriétés remarquables du mode d’expression littéraire de l’écrivain qui consiste à construire un discours mêlant une dimension philosophique et mystique avec une éthique appropriée. C’est sur ce point que nous choisissons dans cette première partie de focaliser notre attention.

Il s’agit donc de considérer les textes de Bobin comme énonçant un ensemble non formalisé, non systématisé de champs sémantiques se regroupant autour d’un paradigme (pour reprendre le vocabulaire de Jauss45), de schèmes de perception et d’interprétation, de normes de comportement, et enfin d’éléments éthiques. Son oeuvre ne se résume pas à une liste de principes moraux ou un guide de bonne conduite à tenir selon les situations. Néanmoins, nous posons qu’elle comporte une dimension éthique au sens où des modèles comportementaux, des jugements de valeurs à propos d’actions sont appréhendables par le lecteur. La notion d’ethos a été définie, entre autre par P. Bourdieu, et c’est celle que nous reprenons :

‘« J’ai employé le mot d’ethos, après bien d’autres, par opposition à l’éthique, pour désigner un ensemble objectivement systématique de dispositions à dimension éthique, de principes pratiques (l’éthique étant un système intentionnellement cohérent de principes explicites). Cette distinction est utile, surtout pour contrôler des erreurs pratiques : par exemple, si l’on oublie que nous pouvons avoir des principes à l’état pratique, sans avoir une morale systématique, une éthique, on oublie que, par le seul fait de poser des questions, d’interroger, on oblige les gens à passer de l’ethos à l’éthique ; par le fait de proposer à leur appréciation des normes constituées, verbalisées, on suppose ce passage résolu. Ou, dans un autre sens, on oublie que les gens peuvent se montrer incapables de répondre à des problèmes d’éthique tout en étant capables de répondre en pratique aux situations posant les questions correspondantes. »46

Ethos semble mieux convenir qu’éthique en raison de l’absence d’une obligation de formalisation explicite ou d’une vision systémique des énoncés. Qu’il s’agisse de textes littéraires n’empêche pas de penser que cette éthique soit à l’état pratique, même si pour P. Bourdieu, les spécificités de l’ethos résident d’une part dans sa non verbalisation, d’autre part dans le fait qu’il s’appréhende au travers de la pratique. La verbalisation que constitue l’écriture de textes littéraires n’est pas synonyme de formalisation au sens de systématisation et d’explicitation de principes, selon une association rapide entre langage et réflexivité s’opposant à l’action et au pré-réflexif. C’est en tout cas grâce à cette hypothèse implicite que Claude F. Poliak et Fabienne Pavis parviennent à analyser la production de littérature sentimentale de Denise Roux, en mêlant ethos des textes et ethos de l’auteur47. Sans présupposer cette liaison chez Bobin (pour des raisons que nous expliquons dans cette introduction), nous souhaitons focaliser notre attention sur l’univers symbolique des textes, de manière à suivre cette piste lors de l’analyse des discours de réception des lecteurs : leur lecture consiste-t’elle, et dans quelle mesure en une prise de position par rapport à celui-ci ?

Nous précisons que ce choix d’analyse (mettre en évidence un univers symbolique) trouve une pertinence supplémentaire au regard de la spécificité de la production littéraire de cet écrivain. Ainsi que nous aurons l’occasion de le constater, les commentateurs professionnels hésitent quant aux termes désignant tant l’auteur que sa production : est-ce un écrivain, d’un poète, d’un philosophe ? De même, de quels genres ses écrits relèvent-ils ? S’agit-il de poésie, de romans, de nouvelles, d’essais ? Cette particularité de l’oeuvre de Bobin amène ainsi à questionner avec d’autant plus d’intérêt les textes des points de vue cognitifs et normatifs. Elle est peut-être également l’indice de la position de l’auteur dans une sous-partie du champ littéraire, au sein de laquelle les frontières sont plus floues qu’ailleurs entre littérature, poésie, mystique, philosophie et éthique. L’hésitation entre poète, philosophe ou écrivain pour qualifier l’oeuvre de Bobin est repérable dans les discours de critique littéraire ou dans les pratiques de rangement et d’exposition des livres des libraires (en proposant simultanément dans les rayons poésie ou littérature des opuscules de l’auteur). Elle trouvera d’ailleurs matière à être analysée dans les prochains chapitres.

Notre hypothèse est que l’univers symbolique des textes de Bobin s’organise autour du paradigme du mystique contemplatif tel qu’il a été défini par Max Weber. La présentation de cet idéal-type figure dans un texte intitulé « Les voies de salut-délivrance et leur influence sur la conduite de vie » placé en section 10 du chapitre sur la sociologie des religions dans Economie et société, (selon la présentation de Jean-Pierre Grossein dans Sociologie des religions 48). L’objectif de Max Weber, tout au long de ses études comparatives des grandes religions mondiales est de répondre à la question de la spécificité du rationalisme occidental, et de l’influence des formes de religiosité prédisposant ou favorisant l’apparition de cette forme de rationalisme :

‘« Au contraire, par sa démarche d’historien - sociologue, qui conjuguait reprises et extensions de ses interprétations premières à mesure qu’il en apercevait les discontinuités descriptives, les critères insuffisamment explicités ou les manques à combler, Max Weber n’a cessé d’approfondir, dans sa ‘sociologie de compréhension’, l’unité sémantique de son projet comparatif de départ, celui de caractériser l’originalité du rationalisme occidental, en le décrivant à travers une série de contrastes et d’analogies historiques, étendues aussi loin que possible [...]. » 49

Ce faisant, Max Weber s’intéresse aux formes de salut-délivrance proposées par les diverses religions ‘« c’est-à-dire la diversité des ‘bienfaits’ promis par les diverses religions - corrélatives de la diversité des maux et des insatisfactions dont elles ont proposé de ‘sauver’ les hommes’ »50. L’intérêt pour Max Weber de réfléchir aux manières dont les religions proposent des « bienfaits » réside dans le lien qu’il faut tisser entre ces types de « bienfaits » et les « ‘principaux types de l’action religieuse conduisant aux différentes représentations de l’action dans le monde ainsi qu’aux différentes significations du refus du monde’ »51. Ainsi, l’ambition du sociologue allemand est de vouloir faire tenir conjointement des constructions intellectuelles issues des grandes religions (des visions du monde, pour reprendre ses termes) avec des conduites de vie et des logiques d’action. Cette optique semble particulièrement intéressante à relever car elle correspond à ce que nous souhaitons effectuer pour l’analyse des textes de Bobin. Avoir à coeur de reconstruire un univers symbolique dans lequel figure un ethos situe l’analyse dans une problématique wébérienne.

La présentation des voies de salut-délivrance proposées par les différentes grandes religions aboutit à la construction de deux types s’envisageant essentiellement dans leurs proximités et oppositions. Il s’agit de l’ascétisme et du mystique contemplatif. Ils appartiennent tous deux à la catégorie du « bien de salut » qui n’est pas une « ‘propriété active de l’action » et « ne consiste donc pas dans la conscience d’exécuter une volonté divine, mais [...] est un état d’un genre particulier ’»52. Ascétisme et mystique contemplative renvoient donc à des états plutôt qu’à des régimes d’actions. La distinction entre les deux types réside dans l’importance plus ou moins grande que chacun des états accorde à l’action et au travail. Là où, chez l’ascète, il est possible d’intégrer un mode de vie actif avec une quête spirituelle53, il en va autrement pour le mystique contemplatif. Pour lui, toute action, tout travail entre directement en contradiction avec son éthique primordiale :

‘« La contemplation, en revanche, est, en premier lieu, la recherche d’un repos dans le divin, et uniquement en lui. Ne pas agir, et en poussant jusqu’à son terme, ne pas penser, se vider de tout ce qui rappelle, d’une manière ou d’une autre, le ‘monde’ ; en tout cas une minimisation absolue de toute activité intérieure ou extérieure : telle est la voie qui permet d’atteindre l’état intérieur qu’on savoure comme possession du divin, comme unio mystica avec lui. » 54

Une série de caractéristiques relevant soit de l’attitude à tenir pour le mystique contemplatif, soit de l’état dans lequel il se trouve plongé, soit enfin de la nature et de la composition de son message forme l’ensemble des traits pertinents de cet idéaltype. Il s’avère que l’intégralité de ces caractéristiques se trouve réactualisée dans les textes de Bobin : qu’il s’agisse de la façon dont l’écrivain rend compte de l’organisation de ses journées, de sa manière d’écrire et de lire, de ses énoncés les plus récurrents, une étonnante adéquation s’observe entre les traits pertinents du mystique contemplatif et les propositions de l’auteur. C’est pourquoi nous l’envisageons comme le paradigme de son univers symbolique. Ci-dessous, un tableau récapitule les principaux thèmes et traits pertinents du mystique contemplatif.

Thèmes et traits pertinents du mystique contemplatif
Thèmes Traits pertinents
1) Attitude à tenir dans la vie quotidienne S’éloigner des intérêts quotidiens
Minimiser toute action (cela peut aller jusqu’à l’anomisme)
Se protéger contre les perturbations extérieures de la société (être contre, mais ne pas agir pour la changer)
Se considérer comme un réceptacle du divin
Garder une attitude constante d’humilité
2) Etat à atteindre Il s’agit d’un état de grâce de nature religieuse
3) Contenu du message Le message du mystique contemplatif porte sur la saisie d’un sens unitaire et significatif du monde (qui s’oppose à une conception rationnelle du monde) et d’un savoir pratique
Il s’agit de connaissances de «valeurs et non-valeurs »

Concernant l’attitude attendue d’un mystique contemplatif, Weber relate que celle-ci mêle contemplation et parfois fuite hors du monde pour constituer une conduite de vie rationalisée à un haut degré de systématicité, et offrir une constante humilité. De ce fait, la vie quotidienne d’un mystique contemplatif doit entièrement être orientée vers la mise à distance du quotidien :

‘« Pour atteindre son but, la contemplation a besoin en permanence que les intérêts quotidiens soient mis de côté. Dieu ne peut se faire entendre à l’intérieur de l’âme que lorsque la créature se tait complètement en l’homme. »55 ’

La minimisation de toute action est également le corollaire d’une attitude contemplative :

‘« Ne pas agir, et en poussant jusqu’à son terme, ne pas penser, se vider de tout ce qui rappelle, d’une manière ou d’une autre, le ‘monde’ ; en tout cas une minimisation absolue de toute activité intérieure ou extérieure : telle est la voie qui permet d’atteindre l’état intérieur qu’on savoure comme possession du divin, comme unio mystica avec lui » 56

Concernant l’état dans lequel doit se trouver tout mystique contemplatif : c’est l’état de grâce permanent qui est visé, et pouvant conduire à l’anomisme. Le mystique contemplatif se considère comme un « réceptacle » 57 du divin. Est alors recherchée :

‘« La qualité unique d’un sentiment, c’est-à-dire, pratiquement, dans le sentiment d’une unité entre le savoir et la disposition (Gesinnung) pratique, sentiment d’unité qui donne au mystique l’assurance décisive d’être en possession de la grâce religieuse ».58

Le mystique contemplatif a donc une conduite de vie rationalisée à un « haut niveau de systématicité » ; cette conduite consiste essentiellement à ‘« se défendre contre les perturbations qui viennent de la nature ou de l’environnement social’ », à dénier toute valeur au travail au profit de la contemplation ; il doit concentre sur certaines « vérités » qui occupent une « position centrale » à «  ‘l’intérieur de l’aspect général du monde, auquel elles donnent son unité’ ». Le contenu de son message concerne des « valeurs et non-valeurs ». Le but est d’atteindre un état contemplatif, et de ressentir un sentiment d’unité «  ‘qui donne au mystique l’assurance décisive d’être en possession de la grâce religieuse’ ».

Il s’agira donc de relever ce qui, dans les textes de Bobin s’apparente à la construction d’un « sens unitaire du monde », à la mise au jour de « vérités » oeuvrant pour l’unification de sa « vision du monde », au dévoilement de ce qui constitue les valeurs et non-valeurs ainsi que les conseils pratiques concernant l’attitude à tenir au quotidien pour que l’état de grâce s’atteigne, le tout formant un univers symbolique particulier.

Le corpus mobilisé par cette grille de lecture concerne l’ensemble de la production littéraire de Bobin, ainsi que ses interventions orales ou écrites lors d’émissions radiophoniques ou dans la presse. Sont également retenus les articles de critiques littéraires portant sur l’oeuvre de Bobin. Le tableau ci-joint récapitule les divers documents mobilisés lors de l’étude.

Les types de documents utilisés pour l’étude
Types de documents Quantité
Livres de Bobin 39 ouvrages étudiés (la totalité)
Livres ou extraits sur Bobin 5 ouvrages 
Articles de Bobin dans des revues littéraires ou de presse générale 15 documents étudiés
Conférences ou émission radiophoniques 5 émissions enregistrées et décryptées
Articles de presse générale ou littéraire sur Bobin Environ 700 articles trouvés et étudiés167 retenus pour l’étude

Tous les ouvrages écrits par Bobin de 1977 à 2000 (soit 39 livres) figurent dans cette analyse. Dans la rubrique « livres ou extraits sur Bobin », nous comprenons des extraits ou des textes entiers qui ont été rédigés par des écrivains, essayistes ou critiques littéraires et qui portent sur l’oeuvre de Bobin. On peut ainsi citer les essais de Jean-Pierre Richard, qui dans Terrains de lecture, propose une analyse de l’oeuvre de Bobin intitulée « La neige et le sang59 ». Ou encore des entretiens effectués avec Bobin et publiés par Bruno de Cessole60 ou Marie de Solemne61. La rubrique « articles de Bobin dans les revues littéraires ou la presse générale » correspond aux articles écrits uniquement par Bobin ; tandis que la rubrique « articles de presse générale ou littéraire sur Bobin » se rapporte aux productions de critiques publiées dans la presse générale ou spécialisée pour les années allant de 1977 à 2000, en France et dans deux pays francophones (Suisse et Belgique). Enfin, la rubrique « conférences ou émissions radiophoniques » comprend des interventions orales soit de Bobin, soit de ses pairs lors d’émissions essentiellement radiophoniques (sur France-Culture, ou des radios belges).

Une attention spéciale sera accordée, tout au long de cette première partie, à la façon dont Bobin se met en scène dans ses écrits. La lecture de son oeuvre montre en effet qu’il est souvent question de l’écrivain dans ses activités quotidiennes. C’est un thème que nous utiliserons lors de l’analyse de sa position dans le champ littéraire français, mais également pour la reconstruction de l’univers symbolique repérable dans ses textes. Il faut toutefois préciser que lorsque nous aurons à étudier le thème de la vie quotidienne de l’écrivain, il s’agira de l’envisager comme un thème littéraire parmi d’autre, et non en le confondant avec ce que peut faire réellement l’auteur au quotidien (point sur lequel nous n’avons pas d’autres informations que ce que nous en disent des textes). Tous les éléments d’analyse issus des textes de Bobin ou des articles de presse sont donc étudiés compte tenu de leur appartenance à la chose littéraire. Si l’on observe effectivement que les déclarations de Bobin concernant ses activités quotidiennes renvoient à une vie rationalisée à un haut degré de systématicité, à l’adoption d’un ethos et d’une logique d’action représentatifs de la mystique contemplative, cela ne revient pas à en déduire que l’auteur met en action les traits caractéristiques dans sa propre vie, mais seulement que ses écrits relèvent de cette logique. Analyser l’ensemble de la production littéraire de Bobin consiste donc à repérer comment l’auteur se met en scène et articule des principes généraux à une logique d’action dans le thème de la vie quotidienne d’un écrivain. L’utilisation du type du mystique contemplatif n’est ainsi jamais à faire en référence à l’écrivain tel qu’il est dans sa vie personnelle, mais à l’écrivain mis en scène par lui-même dans ses écrits : nous restons bien dans l’analyse de textes littéraires, ce qui suffit pour à la fois rendre compte de l’univers symbolique, et à la fois reconstruire sa position dans le champ littéraire. Accordant à Bobin la possibilité de n’être pas aussi cohérent dans sa vie ordinaire que dans ses textes, nous ne pensons pas pouvoir basculer de l’habitus (reconstruit d’ailleurs avec les mêmes indications servant à calculer sa position) aux prises de positions sans effectuer une généralisation abusive.

Un premier chapitre porte sur la reconstruction de la position de Bobin dans le champ littéraire français de 1985 à 2000, tandis les trois autres rendent compte de l’objectif général d’une présentation organisée autour de la mise en évidence de l’univers symbolique de l’oeuvre de Bobin. Le second s’intéresse particulièrement au mode d’expression littéraire de manière à mettre au jour les principes d’une écriture de la révélation, condition de possibilité de la formulation de quelques « vérités » formant la « vision unitaire et significative du monde » pour reprendre les termes de Max Weber (les schèmes de perception et d’interprétation). Le troisième prend pour objet d’étude les énoncés redondants afin de donner un contenu à « la vision unitaire et significative du monde », ainsi que définir « l’ensemble des valeurs et non-valeurs » construisant la visée pratique de la conduite quotidienne (les champs sémantique selon l’expression de Jauss, ). Enfin, le quatrième s’attarde à l’analyse de trois romans de Bobin, envisagés comme des mises en application expérimentale du modèle de conduite de vie dégagé dans les études précédentes.

Notes
44.

Christian Bobin, Le Huitième jour de la semaine, Collection Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 1986, pp. 51 - 52

45.

H. R. Jauss, « La douceur du foyer. La poésie lyrique en 1857 comme exemple de transmission de normes sociales par la littérature », Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, pp. 288 - 326

46.

P. Bourdieu, Questions de sociologie, Paris, Editions de Minuit, p. 133

47.

Claude F. Poliak, Fabienne Pavis, « Romance et ethos populaire. La vie et l’oeuvre de Denise Roux, auteur de la presse populaire féminine », ARSS n°123, juin 1998, pp. 65 à 86

48.

Max Weber, Sociologie des religions, Paris, Gallimard, p. 177

49.

J. C. Passeron, « Introduction », Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., Gallimard, p. 6

50.

J. C. Passeron, « Introduction », Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 25

51.

J. C. Passeron, « Introduction », Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 9

52.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 196

53.

L’ascèse qui refuse le monde, au sens que nous donnons ici à cette expression, est axée en premier lieu sur l’activité. Seule une action d’un genre déterminé permet à l’ascèse d’atteindre les qualités auxquelles il aspire, et celles-ci, à leur tour, ont trait à une capacité d’agir qui découle de la grâce divine’, Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 197

54.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 197

55.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 196

56.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 197

57.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 199

58.

Max Weber, Sociologie des religions, op. cit., p. 199

59.

Jean-Pierre Richard, Terrains de lecture, Paris, Gallimard, 1998

60.

Bruno de Cessoles, Les livres de leur vie, Paris, Centre Georges Pompidou, 1994

61.

Marie de Solemne, La Grâce de solitude, Paris, Dervy, 1998