Dates | Références |
1977 | C. Bobin, Lettre pourpre, Editions Brandes, (pages non numérotées) C. Bobin, Le Feu des chambres, Editions Brandes, (pages non numérotées) |
1984 | C. Bobin, Le Baiser de marbre noir, Editions Brandes, (pages non numérotées) |
1985 | C. Bobin, Souveraineté du vide, Fata Morgana, 45p. |
1986
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(a) C. Bobin, L’Homme du désastre, Fata Morgana, 60p. (b) C. Bobin, Le Huitième jour de la semaine, Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 80p. (c) C. Bobin, L’Enchantement simple, Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 76p. |
1987
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(a) C. Bobin, Lettres d’or, Fata Morgana, 55p. (b) C. Bobin, Roi, dame, valet, Editions Brandes |
1989 | C. Bobin, La Part manquante , Gallimard, 101p. |
1990
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(a) C. Bobin, Eloge du rien, Fata Morgana, 24p. (b) C. Bobin, La Femme à venir , Gallimard, 140p. (c) C. Bobin, La Vie passante, Fata Morgana, 42p. (d) C. Bobin, Le Colporteur, Fata Morgana, 32p. |
1991
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(a) C. Bobin,
Une Petite robe de fête
, Gallimard, 91p. (en Folio)
(b) C. Bobin, L’Autre visage, Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 64p. (c) C. Bobin, La Merveille et l’obscur, Parole d’Aube, 83p. |
1992
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(a) C. Bobin, Un Livre inutile, Fata Morgana, 68p. (b) C. Bobin, Le Très-Bas , L’Un et l’Autre, Gallimard, 132p. (c) C. Bobin, Isabelle Bruges, Le Temps qu’il fait |
1993 | C. Bobin, L’Eloignement du monde, Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 59p. |
1994
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(a) C. Bobin,
L’Inespérée
, Gallimard, 135p. (b) C. Bobin, Quelques jours avec elles, Le Temps qu’il fait, (pages non numérotées) (c) C. Bobin, Coeur de neige, Théodore Balmoral, 23 p. (d) C. Bobin, L’Epuisement, Le Temps qu’il fait, 117p. |
1995
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(a) C. Bobin, L’Homme qui marche, Le Temps qu’il fait, 34p. (b) C. Bobin, La Folle Allure , Gallimard, 140p. |
1996
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(a) C. Bobin, E. Boubbat,
Donne moi quelque chose qui ne meure pas
, Gallimard, (pages non numérotées)
(b) C. Bobin, La Plus que vive, Gallimard, 103p. (c) C. Bobin, S. Delfendahl, Une conférence d’Hélène Cassicadou, Le Temps qu’il fait, 36p. (d) C. Bobin, S. Delfendahl, Clémence Grenouille, Le Temps qu’il fait, 36p. (e) C. Bobin, S. Delfendahl, Gaël Premier, roi d’Abimmmmmme et de Mornelonge, Le Temps qu’il fait, 36p. (f) C. Bobin, S. Delfendahl, Le Jour où Franklin mangea le soleil, Le Temps qu’il fait, 36p. |
1997
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(a) C. Bobin,
Autoportrait au radiateur
, Gallimard, 168 p.
(b) C. Bobin, Mozart et la pluie, Entre 4 Yeux, Lettres Vives, 57 p. |
1998
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(a) C. Bobin,
Geai
, Gallimard, 110p.
(b) C. Bobin, L’Equilibriste, Le Temps qu’il fait, 37p. |
1999
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(a) C. Bobin, La Présence pure, Le Temps qu’il fait, 66p. (b) C. Bobin, Tout le monde est occupé , Le Mercure de France, 127p. |
en gras : titres publiés chez Gallimard ou le Mercure de France
La renommée de l’écrivain prend forme au début des années 1990. En 1992, Le Très-Bas, ouvrage ayant trait à la vie de François d’Assise et publié dans la collection L’Un et l’Autre chez Gallimard reçoit trois prix littéraires : le prix des Deux-Magots91, le prix Joseph Delteil92, et enfin le Grand prix de littérature catholique, décerné par un jury présidé par Jean Guitton. A partir de cette date, la popularité de Bobin atteint une sorte de point culminant. Pour chaque parution de nouveaux textes ou rééditions en Folio, un public nombreux (plusieurs dizaines de milliers de personnes) achète ses ouvrages. Un regard sur ces ventes est en partie possible grâce aux indications données par un magazine hebdomadaire réservé aux professionnels du milieu littéraire. Livre-Hebdo publie en effet des chiffres de vente à partir d’informations communiquées par un panel de librairies.
Ainsi, en 1992, il est indiqué que Le Très-Bas a été vendu, l’année de sa parution, à environ 50 000 exemplaires ; pour l’Inespérée, qui paraît en 1994 les ventes s’étalent de 50 000 à 75 000 exemplaires ; enfin, la réédition en Folio de La Part manquante suscite un nombre de vente allant de 75 000 à 100 000 ouvrages93. Pour ces trois textes parus chez Gallimard, seuls les chiffres concernant les dates de première sortie sont connus. On n’a pas d’indication sur l’évolution des ventes plusieurs années après la date de première mise sur le marché. Ces chiffres offrent donc des indications sous-évaluées d’une part des quantités de livres vendus, et d’autre part du nombre de lecteurs.
La formule de double publication des textes de Bobin a un effet bénéfique sur l’activité commerciale de certaines petites maisons d’édition. Livre-Hebdo, en 1994 souligne ainsi l’arrivée de nouvelles maisons d’édition dans ses listes de « meilleures ventes de la semaine » :
‘« Première apparition sur nos listes de la petite maison d’édition Les Lettres vives [...] grâce à L’Eloignement du monde, de Christian Bobin, 15 000 exemplaires vendus depuis sa sortie le 15 décembre (le tirage initial de 10 000 exemplaires a été épuisé en une semaine). Les précédents livres de Christian Bobin aux Lettres Vives, L’enchantement simple, Le Huitième jour de la semaine et l’Autre visage, se sont vendus autour de 12 000 exemplaires. »94 ’D’autre part, Thierry Renard95, directeur de la maison d’édition lyonnaise Parole d’Aube96, précise également que la sortie dans les années quatre-vingt-dix d’un livre d’entretiens avec Bobin (La Merveille et l’obscur) a grandement contribué à rendre visible sur la scène nationale sa jeune maison d’édition, ainsi qu’à augmenter ses possibilités de diffusion auprès d’un nombre plus élevé de librairies. L’installation de l’écrivain dans la sphère publique devient donc durable dans les années quatre-vingt-dix.
L’entrée dans le champ littéraire de l’écrivain Bobin s’effectue donc par la « petite porte » si l’on peut dire, c’est-à-dire par la publication de textes premièrement dans de petites maisons d’édition, puis chez Gallimard, dans un deuxième temps. Débuter ainsi dans le domaine public par des maisons d’éditions confidentielles et résolument tournées vers l’écriture poétique contribue à inscrire l’auteur dans un genre littéraire bien particulier, plutôt réservé à la poésie intimiste. Selon l’étude menée par P. Bourdieu sur le champ de l’édition française, la particularité de ces petites maisons d’édition réside dans la place qu’elles occupent dans ce champ : davantage pourvues en capital symbolique qu’économique, obligées d’être novatrices et de jouer le rôle de découvreuses, elles sont alors contraintes d’être attentives à la qualité littéraire de leurs produits. C’est essentiellement en leur sein que les innovations émergent.
‘« Ces petits éditeurs novateurs, s’ils pèsent très peu sur l’ensemble du jeu, lui fournissent néanmoins sa raison d’être, ses justifications d’exister et son ‘point d’honneur spirituel’ - et sont par là un des principes de sa transformation. Pauvres et démunis, ils sont en quelque sorte condamnés au respect des normes officielles que professe et proclame tout l’univers. Comme dit la responsable d’une petite maison du sud de la France : ‘On ne peut pas faire un coup, on n’a pas les moyens. On est vertueux par obligation.’ »97 ’Cela signifie pour les auteurs publiés dans ces maisons d’éditions une possibilité d’accumulation de capital symbolique tout en déclarant fonctionner « au coup de coeur ». C’est ce que rapporte Thierry Renard, directeur de publication aux éditions Parole d’Aube : : « ‘des auteurs tels que Bobin ont beaucoup fait pour nous. Mais à aucun moment on ne s’est dit : ‘ tiens on va faire un coup de pub.’’ »
Publier dans des maisons d’éditions spécialisées dans l’écriture poétique consiste également pour l’auteur à voir ses textes matérialisés dans des formats propres à ces genres littéraires, supports physiques dont on sait avec R. Chartier et D.F MacKenzie qu’ils ne sont pas sans influence sur les réceptions :
‘« Pour s’en tenir à l’écrit imprimé, le format du livre, les dispositions de la mise en page, les modes de découpage du texte, les conventions typographiques, sont investis d’une ‘fonction expressive’ et portent la construction de la signification. Organisés par une intention, celle de l’auteur ou de l’éditeur, ces dispositifs formels visent à contraindre la réception, à contrôler l’interprétation, à qualifier le texte. Structurant l’inconscient de la lecture (ou de l’écoute), ils sont les supports de travail de l’interprétation. L’imposition comme l’appropriation du sens d’un texte sont donc dépendantes de formes matérielles dont les modalités et les agencements, longtemps tenus pour insignifiants, délimitent les compréhensions voulues et possibles. » 98 ’Ainsi la taille du livre, sa couverture (fragile, salissant ou au contraire, imperméable...), le grain du papier, la largeur des caractères typographiques, etc., sont autant d’éléments visant à soumettre au lecteur un usage particulier de l’objet. Cela peut être l’intérieur plutôt que l’extérieur, si l’objet est de grande taille, s’abîme facilement et coûte relativement cher (par exemple les livres d’art) ; l’utilisation peut, au contraire être plus indéterminée, comme c’est le cas pour les livres de poche que certains lecteurs emmènent partout avec eux, et que d’autres rangent précautionneusement dans leur bibliothèque... Car ainsi que le rappelle R. Chartier, « ‘Du folio aux petits formats, une hiérarchie existe qui lie le format du livre, le genre du texte, le moment et le mode de lecture. [...] Une telle hiérarchie est directement héritée du temps du livre copié à la main qui distingue le livre de banque, qui doit être posé pour être lu et qui est livre d’université et d’étude, le livre humaniste, plus maniable en son format moyen, qui donne à lire textes classiques et nouveautés, et le livre portable, le libellus, livre de poche et de chevet, aux utilisations multiples, aux lecteurs plus nombreux. L’image elle aussi, en frontispice ou page de titre, à l’orée du texte ou sur sa dernière page, classe le texte, suggère une lecture, construit de la signification. Elle est protocole de lecture, indice identificateur.’ 99 » Et des postures de lecture découlent des appropriations et des constructions de sens différents d’un livre à l’autre, d’un texte à l’autre. Rapporté à l’ensemble de la production littéraire de Bobin, ce postulat invite à observer quels sont tout d’abord les usages implicites de ses textes, comment ensuite ces manières de faire sont détournées, transformées, appropriées par les lecteurs, et quels effets, enfin, cela induit sur leur sens.
Un détour par la description des différents types de supports par lesquels les textes de Bobin sont accessibles à son public est alors nécessaire, en tenant compte de la chronologie des parutions : passer par plusieurs maisons d’édition a pour conséquence de rendre les textes accessibles sous des formes relativement différentes les unes des autres. Il en résulte des effets lors de la construction du sens de ces textes par les différentes générations de lectorat. Le tableau des pages suivantes synthétise des éléments de description des supports physiques des textes de Bobin par maison d’édition.
Maisons édition | Supports physiques |
Editions Brandes 4 titres Date d’entrée : 1977 |
Un seul format : 4 nouvelles poétiques Format de petite taille (16,9 x 12,9 cm), couverture cartonnée, pages vergé Ecosse ivoire, à découper, caractère Bodoni de corps 10, (petite taille). Ouvrages ne comportant que peu de pages (entre 10 et 20) |
Fata Morgana100
7 titres date d’entrée : 1985 |
Deux types de formats : Pour 6 titres : grand format (22, 5 x 14 cm), couverture en papier cartonné, de couleur claire, avec un pictogramme sur la page de garde, pages en vergé ivoire à découper, caractères larges, espacés. (pour : lettre poétique, poèmes en prose ou en vers, essai poétique) Pour un titre (une lettre) : même caractéristiques générales, mais pour un format petit (17, 4 x 13, 3 cm) Pour les deux formats, peu de pages (entre 55 et 80) |
Lettres Vives101
5 titres Date d’entrée : 1986 |
Formats unifiés : pour nouvelles ou essais poétiques Ouvrages de petit format (15,5 x 10,8), couverture de papier cartonné, couleur claire (un bleu), pages en vergé, à découper. Les caractères sont larges, espacés. Le corps du texte occupe peu de place pour chaque page (beaucoup d’espace libre). Pour tous les titres : peu de pages (entre 50 et 80) |
Gallimard 10 titres Date d’entrée : 1989 |
4 types de formats : la « Blanche » ou « Le Chemin », pour les romans, les essais ou nouvelles poétiques et le journal. La collection « L’Un et l’Autre », pour les biographies : couverture de couleur bleue sombre, pages blanches, typographie large. Le rebord du quatrième de couverture des livres publiés dans cette collection comporte un texte visant à expliquer la nature de ceux qui sont proposés au lecteur. Ce texte précise trois orientations possibles aux biographies présentées par les écrivains. Celles-ci ne sont pas soumises à la rigueur et l’exactitude historique, mais peuvent être subjectives, elles manifestent un lien fort entre leur auteur et le personnage mis en scène, elles concernent des individus connus ou inconnus : « Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu’une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle. L’un et l’autre : l’auteur et son héros secret, le peintre et son modèle. Entre eux, un lien intime et fort. Entre le portrait d’un autre et l’autoportrait, où placer la frontière ? Les uns et les autres : aussi bien ceux qui ont occupé avec éclat le devant de la scène que ceux qui ne sont présents que sur notre scène intérieure, personnes ou lieux, visages oubliés, noms effacés, profils perdus. » Les rééditions en Folio (photographies de Boubbat en couverture), pour les mêmes textes que précédemment. Le livre de photographies avec E. Boubbat. Pour tous les formats, il s’agit de livres ne comportant que peu de pages (cela va de 92 pour les rééditions en Folio, à 180 pour les romans publiés dans la « nrf » ou « Le Chemin »). En 1992, pour Le Très-Bas, une jaquette de présentation indique que ce livre a obtenu le Grand prix de littérature catholique. Par la suite, chaque nouvel ouvrage publié comporte une jaquette de présentation où figure le nom et le prénom de l’auteur. |
Parole d’Aube102
1 titre ; Date d’entrée : 1991 |
1 type de format : (pour recueil d’entretiens avec l’auteur) Format étroit (21 x 10,4 cm). Couverture en papier glacé, de couleur bleue sombre, avec des mots écrits à la main en vert, avec une photographie de Bobin en noir et blanc, centrée. Pages en papier glacé, typographie ordinaire, avec quelques photographies en noir et blanc choisies par l’auteur (sa famille, quand il était enfant...). Sur la quatrième de couverture, un texte explique en quoi consiste la collection : « L’AUBE, c’est l’instant où se lève la parole – et avec elle toute la lumière. Dehors il fait froid. On ouvre la fenêtre, on jette du sel aux anges, quelques questions aux écrivains. Ils y répondent avec cette voix qui n’est plus celle de la vie courante, pas encore celle de l’écriture, avec cette voix faible – courante sous la cendre, tremblante sous la page. » |
Le Temps qu’il fait103
10 titres Date d’entrée : 1992 |
3 types de formats Un format petit (16,9 x 13,1 cm), couverture de couleur claire (gris et beige), dessin à l’encre pour un ouvrage, pages de couleur claire, typographie large et espacée, corps de texte aéré : pour 3 titres (nouvelles et essais poétique et mystiques). Un grand format (22 x 16,4 cm), couverture en papier cartonné, claire, pages claires, illustrations de dessins (style enfantin) sur la couverture et à chaque page de droite, typographie très espacée, gros caractères, très peu de texte par page : 5 titres (littérature pour enfant et commentaires de lithographies). Format intermédiaire (18,8 x 12 cm), couverture en papier cartonné, de couleur claire (beige ou gris), avec dessin à l’encre de chine sur un des ouvrages, pages en velin, de couleur claire, typographie large, caractères gros et espacés : 2 titres (un roman et un essai poétique). Pour tous les formats, il s’agit de livres ne comportant que peu de pages (cela va de 36 pour les contes, à 140 pour les romans) |
Théodore Balmoral 1 titre ; Date d’entrée : 1994 |
1 format : pour conte petit format (17,5 x 13 cm), de couleur blanche en papier cartonné, avec titres et encadrement en bleu clair, pages en vergé conquéror, de couleur claire, typographie large, espacée, peu de texte par page |
Le Mercure de France104
1 titre ; Date d’entrée : 1999 |
1 format : pour roman petit format (18,5 x 11,8 cm), couverture de couleur bleue claire avec titre en rouge et jaquette de présentation reprenant le nom de l’auteur, typographie ordinaire, 127 pages. |
Dans la colonne « supports physiques » figurent les caractéristiques suivantes : la taille du ou des formats pour les différents titres édités dans chaque maison d’édition ; la description de la couverture ; la présence ou non de jaquette de présentation ; la description du grain des pages ; la description de la typographie ; le nombre de pages pour chaque format (par maison d’édition) ; il est également proposé un lien entre les genres littéraires et les types de supports physiques pour chaque maison d’édition.
Jusqu’en 1989, les trois maisons d’édition publiant des textes de Bobin sont Les Editions Brandes, Fata Morgana, Lettres Vives, rejoint en 1989 par Gallimard, puis d’autres petites maisons d’édition. Ainsi, deux supports de matérialisation des textes sont repérables : il s’agit d’une part de tout ce qui est publié dans les petites maisons d’édition, et d’autre part chez Gallimard, avec à l’intérieur de ces deux ensembles des formes matérielles différentes.
Pour ce qui concerne les petites maisons d’édition : on en dénombre six. Il s’agit de Fata Morgana, Lettres Vives, Théodore Balmoral, Parole d’Aube, Le Temps qu’il fait, les éditions Brandes. Mis à part le format utilisé par les Editions Parole d’Aube, une relative homogénéité s’observe dans la matérialité des textes. Il s’agit à chaque fois de papiers vélin ou vergé ivoire avec des couvertures portant sur des tons clairs, dans les gris ou les beiges. Parfois un dessin ou un pictogramme représentant la maison d’édition figure sur la couverture. L’intérieur du livre se présente également souvent de la même manière : généralement les pages sont à découper soi-même lors de la première lecture, la typographie est large, les pages sont peu remplies, peu nombreuses, avec des caractères de grande taille. Seul le format du livre change selon la maison d’édition. Lettres Vive produit de petits livres (format d’un livre de poche), tandis que Fata Morgana produit des livres d’une taille à peu près égale à la collection nrf de Gallimard. Les prix de ce genre d’ouvrage sont relativement élevés, par rapport à des livres de poche (de cinquante-cinq à quatre-vingt francs). L’aspect général donne l’impression d’être en présence d’un objet artisanal plus que d’un produit manufacturé. Les pages à découper soi-même sont une manière pour le lecteur de prendre possession d’un objet particulier, et les couleurs claires, les couvertures cartonnées, le blanc cassé des pages les invitent à prendre soin de ces livres qu’un rien pourrait abîmer. Ainsi, des postures de lecteurs se laissent appréhender par la seule description du support physique des textes. Par l’impression d’objet rare et précieux, salissant et fragile, les livres des collections Fata Morgana, Lettres Vives, Théodore Balmoral, Le Temps qu’il fait indiquent au lecteur des usages particuliers : l’intérieur plutôt que l’extérieur, car la pluie pourrait endommager les livres, et le format inhabituellement grand ne facilite pas le transport du livre dans un sac ; un lieu propre plutôt que n’importe où, le livre pouvant se tâcher au contact d’une table sale...
Chez Gallimard, on dénombre plusieurs supports textuels. La collection L’Un et l’Autre, tout d’abord qui propose des textes dans un papier blanc-cassé, enveloppés d’une couverture bleue sombre sur papier glacé. Un pictogramme ou une image figure sur la page de garde. Les caractères des lettres sont larges, espacées, et les livres contiennent environ cent-vingt pages. Les collections Le Chemin et nrf, qui présente des textes plutôt courts, cent-soixante pages au maximum. Enfin, la collection Folio, qui reprend un certain nombre de titres précédemment parus dans les autres collections de Gallimard, et un texte initialement paru au Temps qu’il fait (Isabelle Bruges 105). Tous les textes disponibles en Folio constituent de petits ouvrages, vendus à vingt francs dans les supermarchés ou librairies. Leurs couvertures présentent une photographie d’art, de E. Boubbat (avec qui Bobin signe d’ailleurs un livre d’art sur la photographie). Ainsi matérialisés, les livres de Bobin en Folio forment un tout unifié par la présence des photographies d’un même auteur : ils rompent avec les habituelles représentations graphiques anonymes généralement proposés en couverture. Des coffrets contenant plusieurs textes en Folio sont également mis en vente lors des fêtes de fin d’année à partir de 1996.
Un des effets du passage de certains textes de Bobin de la collection nrf à la collection Folio réside dans l’élargissement de son lectorat, et l’arrivée de nouveaux lecteurs qui n’auraient pas eu accès à ses textes sans cette transformation de support. En proposant des textes à prix modiques par le biais de la collection Folio, Gallimard rend possible la pénétration des textes de Bobin auprès de nouveaux publics. Un exemple en est l’étude qui est faite par des enseignants de ses oeuvres en lycée. Nous avons ainsi rencontré trois enseignants qui proposaient l’étude soit d’un extrait, soit d’un ouvrage entier de Bobin. Cette pénétration dans l’école ne devient possible que parce qu’un certain nombre de conditions relatives au support physique des textes (associées au coût) le permettent : Le Très-Bas s’étudie en oeuvre complète à partir du moment où les élèves ont la possibilité d’acheter le texte en Folio à vingt francs.
Cet élargissement du public et des conditions de réception (la salle de classe et une oeuvre imposée à étudier est un mode d’approche des textes tout à fait particulier) rentre bien dans le programme de recherche évoqué par R. Chartier, notamment dans L’Ordre des livres, lorsqu’il préconise de s’intéresser à ‘« un texte stable dans sa lettre et donné à lire en des formes imprimées qui, elles, changent.’ »106
Du fait de la fidélité de Bobin à certaines maisons d’édition de taille restreinte, un grand nombre de ses textes a continué durant les années quatre-vingt-dix à être accessible au public dans les formats spécifiques de l’objet artisanal. Cela a eu pour conséquence de stabiliser les types de supports des textes. Même si Bobin est publié par une dizaine de maisons d’éditions ou collections différentes, on ne dénombre que deux ou trois types de supports vraiment différents : la nrf, Folio, et les papiers cartonnés des petites maisons d’édition. L’unité de sa production littéraire ne paraît donc pas souffrir du constat de la relative diversité de la matérialité des textes. A l’intérieur de chaque type de support, une continuité s’installe d’une certaine manière puisque les lecteurs peuvent toujours acheter plusieurs livres sous cette forme et se constituer ainsi une bibliothèque homogène de ce point de vue. Nous avons ainsi rencontré des lecteurs qui n’achetaient que les livres de Bobin en Folio, à la fois parce qu’ils appréciaient la photographie en couverture, et parce que cela leur permettait au moment du rangement dans la bibliothèque, de se rapporter à une certaine esthétique (des livres de même format, bien alignés...). D’autres, en revanche, préféraient les livres spécialement édités dans les petites maisons d’édition, pour le plaisir de découper soi-même les pages, et le sentiment de posséder l’exemplaire unique et précieux d’une oeuvre de qualité (d’une oeuvre d’art).
La publication dans les formats spécifiques aux petites maisons d’édition a également permis à une partie de son public de se familiariser avec des types de supports textuels inhabituels pour certains, et de créer certaines habitudes de lecture : des enquêtés relatent leur goût pour les « beaux » livres « qui font ancien » après qu’ils aient commencé à lire les textes de Bobin chez Fata Morgana, Le Temps qu’il fait et Lettres Vives. Les hypothèses de R. Chartier et D.F. MacKenzie sur les liens entre supports textuels et construction du sens trouveront donc matière à être utilisées lors de l’analyse des réceptions des textes par un public socialement différencié, abordé en seconde partie de la thèse.
Il s’agit d’un prix créé en 1933, qui récompense « un ouvrage original par son style » (selon J.L. Delblat, Le Guide LIRE de l’écrivain, op. cit., p. 126) ; Le montant est de 50 000 francs. Les membres du jury sont : Jacques Brenner, Jean-Paul Caracalla, Jean Chalon, Eric Deschodt, Paul Guilbert, Eric Ollivier, Anne Pons, Jean-Marie Rouard. Ce prix se décerne en janvier, au café des Deux-Magots, à Saint-Germain des Prés.
Il s’agit d’un prix qui récompense une oeuvre s’inspirant de l’oeuvre de Joseph Delteil
Ces chiffres sont extraits des bilans annuels publiés par Livre-Hebdo, en 1993 et 1995 qui proposent des classements des meilleures ventes pour l’année écoulée, selon les catégories de livre.
Livre-Hebdo, n°99, 14/01/1994
Lors d’un entretien réalisé avec lui en 1995.
Editions Parole d’Aube, Vénissieux, fondées en 1989 - 1990
P. Bourdieu, « Une révolution conservatrice dans le champ », ARSS n° 126-127, p. 11
Roger Chartier, « Textes, formes, interprétations », préface à D.F. MacKenzie, La Bibliographie et la sociologie des textes, Editions du Cercle de la Librairie, 1991, pp. 6-7
R. Chartier, « Textes, imprimés, lectures », in M. Poulain, Lire en France aujourd’hui, Editions du Cercle de la Librairie, 1993, p. 24
Maison créée en 1966, 350 titres au catalogue. Président : Bruno Roy. « Editeur de littérature générale (essais, poésie récits) et d’art [...] », Selon Jean-Luc Delblat, Le Guide LIRE de l’écrivain, op. cit., p. 45
Directeur de la collection Entre 4 Yeux, Michel Camus
Maison lyonnaise fondée en 1989-90, arrêtée en 1999. Directeur : Thierry Renard. Editeur de recueils d’entretiens, de magazine littéraire...
Maison créée en 1981, 230 titres au catalogue, « Editeur de littérature générale (essais, poésie, romans, récits, contes, nouvelles, pamphlets, biographies), philosophie (essais), documents (aphorismes, correspondances), beaux-livres [...] » Selon Jean-Luc Delblat, Le Guide LIRE de l’écrivain, l’Archipel, 1998, p. 96
Maison créée en 1894, 1300 titres au catalogue. « Un des plus anciens éditeurs littéraires généralistes. [...] Appartient au groupe Gallimard. Selon Jean-Luc Delblat, Le Guide LIRE de l’écrivain, op. cit., p. 72
Christian Bobin, Isabelle Bruges, Le Temps qu’il fait, 1992
Roger Chartier, L’ordre des livres, Aix en Provence, Alinéa, 1992, pp. 21-22