Conclusion du chapitre

Qu’il s’agisse de la manière dont Bobin envisage l’écriture, la lecture et de ses procédés rhétoriques récurrents, une constante se dégage : l’émotion reste au coeur de son activité littéraire. Elle constitue ce qui lui permet d’écrire, ce qu’il attend chez son lecteur et espère provoquer au moyen d’outils rhétoriques particuliers. Il apparaît donc bien à ce propos qu’une image du « lecteur implicite » pour employer le terme proposé par Wolfgang Iser se dévoile à l’issue de cette analyse :

‘« A la différence des types de lecteurs dont il a été question jusqu’ici, le lecteur implicite n’a aucune existence réelle. En effet, il incorpore l’ensemble des orientations internes du texte de fiction pour que ce dernier soit tout simplement reçu. Par conséquent, le lecteur implicite n’est pas ancré dans un quelconque substrat empirique, il s’inscrit dans le texte lui-même. Le texte ne devient une réalité que s’il est lu dans des conditions d’actualisation que le texte doit porter en lui-même, d’où la reconstitution du sens par autrui. L’idée d’un lecteur implicite se réfère à une structure textuelle d’immanence du récepteur. Il s’agit d’une forme qui doit être matérialisée, même si le texte, par la fiction du lecteur, ne semble pas se soucier de son destinataire, ou même s’il applique des stratégies qui visent à exclure tout public possible. Le lecteur implicite est une conception qui situe le lecteur face au texte en termes d’effets textuels par rapport auxquels la compréhension devient un acte. »221

Celui-ci doit être sensible aux figures de styles tentant de faire éprouver une émotion si forte qu’elle le rende « tout fou ». Voici donc un précieux indice que nous avons à garder en mémoire pour l’analyse des réceptions des textes de Bobin, lorsqu’on tentera de voir s’il y a des points de rencontre entre ce « lecteur implicite » et les lecteurs réels.

Notes
221.

W. Iser, L’Acte de lecture. Théorie de l’effet esthétique, Bruxelles, Pierre Mardaga éditeur, 1976, p. 70