Section III – L’ombre et la lumière

L’opposition qui structure les figures féminines et masculines est loin d’être la seule repérable dans la production de Bobin. Elle en constitue plutôt la règle : tous les termes procèdent par couple de contraires définissant à la fois l’aspect positif d’une situation ou d’un état, et son versant opposé, obscur, négatif. Le principe d’une pensée par opposition s’observe jusque dans la construction des phrases, où il est courant de trouver côte à côte deux termes antinomiques, tels que la douceur et la violence, la neige et le sang, la lumière et l’obscurité. La pensée s’organise autour d’une polarité thématique se résumant à une sorte de lutte entre la lumière et l’obscurité, autrement dit entre le Bien et le Mal. Dans cette dualité s’envisagent les ’valeurs et non-valeurs’ constitutives des énoncés de Bobin, que cette partie vise à dévoiler.

Le terme de manichéisme n’apparaît pas dans la pensée de Bobin. C’est au regard de l’emploi plus que fréquent de métaphores jouant de l’ombre et de la lumière, et des couples d’opposition thématique qu’on imagine une influence du modèle manichéen sur sa prose. A partir de cette référence s’envisagent tous les thèmes précédemment entrevus, soit parce qu’ils appartiennent au pôle positif, soit qu’ils relèvent du pôle négatif : l’intégralité de la dimension éthique se laisse aborder par cette grille de lecture attentive à repérer le mode de raisonnement manichéen. Vont être plus particulièrement étudiés les thèmes se référant aux individus dans certains de leurs rôles sociaux (les mères/les pères), à leurs attitudes (la contemplation/l’action), aux attentes envers la vie (être comblé par tout/avoir de l’ambition), aux situations de la vie ordinaire (la solitude/la vie en société), à l’activité de connaissance (le savoir/l’instruction). L’étude s’achève sur la mise au jour de la dimension politique de l’oeuvre résidant principalement dans deux propositions : une réhabilitation de l’émotion au détriment de la raison ; une volonté d’être contre les institutions et les goûts du plus grand nombre.