L’émotion comme posture générale

La référence incontournable à la prise en compte de l’émotion pour chaque acte quotidien dans les injonctions développées par Bobin invite à penser que l’émotion et la raison loin de n’être que des types rhétoriques, gagnent à être considérés comme des postures. La première se définit justement, par la propension à constamment mobiliser le registre de l’émotion pour constituer un ethos, une échelle de comportements, et juger de la légitimité de chaque action ou pensée quotidienne. La seconde, au contraire, privilégie l’usage de la raison, de la connaissance envisagée comme somme de savoirs accumulables.

Les travaux de Jean-Claude Kaufmann sur le travail domestique276 tendent à montrer que cette distinction entre le coeur et la raison n’est pas fondée dans les faits, et que bien souvent, le sentiment, l’émotion président à la prise de décision : là où l’individu s’imagine sous l’emprise de la pure raison lorsqu’il choisit de faire ou ne pas faire son ménage, ses émotions travaillent constamment pour mettre le corps en marche. Pour ce qui nous occupe dans cette recherche, peu importe que la distinction entre raison et émotion soit fondée dans les faits ou non. Qu’elle consiste en un principe par lequel les individus envisagent leur manière de réflechir et leurs actions est déjà en soi pour nous pertinent et objet de notre attention. L’intérêt de raisonner en terme de posture est donné par la suite attendue de ces travaux dans la seconde partie. Pour l’étude des discours de réception par des lecteurs socialement différenciés, c’est la plus ou moins grande distance avec cette posture qui sera mesurée afin de voir si celle-ci est une condition d’appréhension heureuse des textes de l’auteur.

Notes
276.

J. –C. Kaufmann, Le Coeur à l’ouvrage. Théorie de l’action ménagère, Paris, Essais et Recherches, Nathan, 1997