Section II – Point critique : les connaissances objectivées de la littérature et la notion d’expérience ordinaire

L’étude de cette séquence de cours autour d’un texte de Bobin soulève de nombreuses remarques à propos des notions d’expérience ordinaire et de « réalité textuelle » par rapport auxquels les lecteurs mobilisant des modes d’appropriation éthico-pratique ou analytique construisent le sens des textes. Si l’on observe la manière dont Denis a procédé dans ses analyses, on constate qu’il a constamment opéré un va-et-vient entre l’expérience ordinaire et les schèmes d’interprétation savants, issus de connaissances objectivées de la littérature, de la philosophie, de l’histoire et des sciences humaines. L’objectif était d’amener les élèves à acquérir et à savoir utiliser des outils d’analyse textuelle de manière à déchiffrer le sens du texte. Ce faisant, il propose également à ses élèves et un vocabulaire pour reconnaître et nommer un type d’expérience faite au moyen de textes littéraires (fondée sur l’émotion), et un mode d’emploi permettant d’apprendre à l’éprouver. Celui-ci consiste à passer du beau au juste, du sentiment d’être touché par le texte à celui de le considérer comme vrai. Pour que l’opération fonctionne, il faut que progressivement les schèmes d’interprétation de la réalité des élèves coïncident avec ceux des textes. Denis fait alors un va-et-vient entre leur expérience ordinaire et des assertions issues des textes (portant par exemple sur la définition des mères, des pères, de la société, de la logique commerciale...) : il invite ses élèves à basculer d’une compréhension passive des textes à un rapport responsif-actif à leur égard, tout en donnant des « clés », autrement dit des définitions issues des connaissances objectivées pour permettre ce passage.

Il faut alors remarquer que, contrairement au partage énoncé entre expérience ordinaire et connaissances objectivées lors de la définition des modes d’appropriation des textes, cette distinction ne rend pas compte de ce qui se passe concrètement : l’émotion éprouvée à la lecture de textes littéraires nécessite ainsi d’aller puiser dans l’expérience ordinaire pour ressentir comme vrai et juste ce qui a touché. Il en résulte deux considérations à propos de ces termes :