Conclusion de la section II

Au mode d’appropriation analytique, mis en place au cours de leur lecture des textes de Bobin par ces trois enquêtés correspond une pratique de l’intertextualité qui inscrit l’oeuvre dans une tradition d’écriture mystique, philosophique et littéraire. Catherine cite ainsi Jean-Yves Leloup, la Bible et les enseignements de Bouddha. Marcel rapporte plus volontiers les écrits de Bobin à ceux de Péguy et Céline (pour la « qualité de l’émotion »). Ainsi, pour ces trois lecteurs, les références intertextuelles ne sont pas les mêmes et sont fonction des auteurs lus par ailleurs ou en parallèle des textes de Bobin. Malgré ces divergences, il faut tout de même constater que les thématiques relevées par ces enquêtés sont énoncées dans des termes similaires et portent sur les questions existentielles. A la remarque de Catherine disant « on est seul pour naître, seule pour mourir et entre les deux, pleins de questions », correspond la question de Marcel (« en fonction de ce que je suis, quoi faire ? »), ou encore le désir Marie-Christine de trouver des « petites phrases qui font du bien ». Du point de vue de leur fonds culturel, il apparaît que les trois enquêtés sont plus dans la proximité que dans la divergence, accordant à la littérature, la philosophie, la mystique, et finalement aux livres et à la lecture, le pouvoir de donner un sens à leur existence et de transformer celle-ci. Ces démarches ne répondent pas qu’à une curiosité « intellectuelle » pour ces questionnements. Elles sont considérées comme pouvant les aider au quotidien. Il en est de même pour Marcel qui s’inscrit à l’Université et prépare un doctorat pour fuir un quotidien pesant. Il faut considérer que ces lecteurs partagent une même croyance en la culture comme moyen de « survie » et « d’élévation » de soi. Et l’aide, apportée par la lecture de philosophes, mystiques ou écrivains procède non pas seulement par identification mais par objectivation. Celle-ci consiste en une mise à distance par le langage et la pensée de situations causes de souffrance (un rapport douloureux à ses conditions d’existence pour Marie-Christine, à son travail pour Marcel, et enfin le deuil pour Catherine). Cette mise à distance se construit dans la confrontation avec des textes philosophiques, mystiques ou littéraires et exige une habitude (un apprentissage) de la lecture analytique. Identification et objectivation semblent alors correspondre aux deux mouvements d’une lecture à dominante analytique des textes de Bobin.