Conclusion du chapitre

Malgré la difficulté rencontrée pour convaincre des « non-lecteurs » des textes de Bobin de figurer dans notre population, il faut reconnaître que leurs propos sont tout à fait éclairants. Ils permettent de mettre en évidence quelques unes des limites qui semblent borner les frontières des formes d’expériences de réception des textes de Bobin. Pour Léon (portrait n°13), la limite est constituée par son expérience éthico-pratique : mobilisant un mode d’appropriation des textes éthico-pratique, il attend d’être « en osmose, en communion » avec ce qu’il lit. Les propos de Bobin relatifs aux rôles paternels et maternels dans le Très-Bas se heurtent de plein fouet à ce qu’il vit et éprouve lui-même. L’expérience est alors irrémédiablement malheureuse, sans possibilité de récupération. Pour Didier, l’explication de son échec à aimer les textes de Bobin est plus complexe à déterminer puisque ses propos sont eux-mêmes ambigus : le style est bon (« il écrit très bien ce monsieur »), le contenu est intéressant puisqu’il porte sur des thèmes qui préoccupent Didier. Néanmoins, l’enquêté semble avoir besoin de se positionner ouvertement contre cet écrivain, parce que cette prise de position lui permet d’asseoir une opposition dans son milieu professionnel (par rapport à sa patronne, par rapport à ses collègues, par rapports aux clients). Son rejet résulte également d’une envie de lire plutôt des textes issus des sciences humaines (et notamment de psychologie) où l’explication prime sur l’émotion et dans ce cas, c’est une tradition rhétorique qui est mise en avant au détriment de la seconde. Il s’agit peut-être également d’une autre des conditions pour une réception heureuse : en opposant l’explication et la raison aux sensations immédiates et à l’émotion, en recherchant essentiellement les premières dans ses lectures, Didier illustre sans doute ainsi une des limites à une réception heureuse des textes de Bobin.