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INTRODUCTION

L’objectif le plus important du présent travail, d’après notre projet de recherche, est d’explorer les rapports établis entre le niveau de conceptualisation au sujet des éléments morphographiques et logographiques de l’écriture des langues française et espagnole et la performance en lecture, en particulier en ce qui concerne le traitement de ces éléments graphiques du texte.

Ce travail se situe à un point de rencontre entre des approches très variées sur l’acquisition et l’usage de la langue écrite. Il cherche, du point de vue psychogénétique, à définir des niveaux ou des formes de conceptualisation de quelques aspects de l’écriture. En outre, il essaye d’établir les liens entre ces conceptualisations et les performances en lecture, ce qui suppose d’analyser le traitement superficiel du texte lu. De plus, après s’être centré sur l’écriture et l’interprétation des mots homophones, l’analyse de l’interprétation de tels éléments lexicaux est nécessairement impliquée, ce qui nous conduit à considérer la compréhension de textes.

Il y a de plus en plus d’études portant d’une part sur les conceptualisations enfantines de l’écriture et d’autre part de recherches et des théories sur les mécanismes de traitement et d’interprétation des mots, mais elles restent indépendantes les unes des autres. Il y aussi beaucoup de travaux sur la compréhension du texte, mais éloignés des deux premiers. En outre, chacun de ces types d’études utilise une méthodologie différente : les premières font un usage très créatif de la méthode clinique sous une optique psychogénétique, ce qui centre l’attention sur des enfants de différents âges. Les deuxièmes ont lieu surtout sous une approche expérimentale en prenant le mot comme une unité de base dans l’analyse et en utilisant des systèmes ingénieux de mesure, tandis que les recherches sur la compréhension de la lecture sont centrées sur le texte comme unité et sur l’analyse de sa reconstruction sémantique, sans considérer la manière dont le texte a été lu ; généralement on travaille avec des adultes qui savent lire.

Comment réussir à assembler de manière cohérente ces trois approches d’étude à propos de la lecture et de l’écriture ? D’abord, il faut avoir un esprit ouvert pour pouvoir identifier et reprendre les résultats les plus solides de chacune des approches considérées. Deuxièmement, il faut pouvoir identifier, à travers les différentes terminologies et cadres de référence, les concepts, les principes et les problèmes communs. Finalement, il faut être très attentif pour ne pas tenter d’assembler des idées qui ne vont pas du tout ensemble. Il faut les essayer car elles peuvent produire des approches convenables aux problèmes finalement communs. Nous voudrions nous risquer à faire une exploration, même si nous n’arrivons qu’à proposer quelques lignes générales d’interaction entre les différentes approches théoriques et méthodologiques du problème.

Nous travaillerons principalement à partir de l’approche psychogénétique de l’acquisition de la langue écrite qui conçoit l’écriture comme un objet de connaissance pour l’enfant, et qui essaie de dévoiler les processus enfantins de construction de la connaissance sur cet objet. Cette approche, commencée par Ferreiro et développée au Mexique pendant les deux dernières décennies, a été avant tout épistémologique, et c’est à peine aujourd’hui que nous commençons à nous rendre compte des implications et des limitations importantes de cette approche. Ferreiro a travaillé centrée sur le modèle de l’équilibration des structures cognitives de Piaget sans tenir compte, d’après nous, de toute une série de développements et d’approches que l’école de Genève menait à bien entre 1976 et 1985, renvoyant au rapport entre les procédures (et stratégies) utilisées réellement par les enfants dans la solutions de problèmes et les structures construites ou en voie de construction. Ce thème de recherche, traité sous différentes méthodologies par l’école de Genève, essayait de rendre compte de l’application des structures à la solution de problèmes ou, d’une manière plus générale, à la structuration ou au choix des actions (procédures et stratégies) qui conduisaient les enfants à résoudre un problème ou à modifier, de manière temporaire ou permanente, une structure ; bref, à apprendre. C’est-à-dire découvrir quel est le rapport entre la « théorie implicite » qu’un enfant a à propos d’un objet et la manière dont il s’approche de lui, le manipule ou l’utilise. Á la limite, on essayait d’étudier l’utilisation des structures cognitives en même temps que de comprendre comment les structures se transforment, en d’autres plus puissantes, plus générales et plus stables. Ou, inversement, quelles étaient les voies d’action que prenait un enfant en fonction de ses niveaux de structuration de l’objet concerné.

Néanmoins, l’école mexicaine s’est centrée sur la même approche épistémologique sur le problème, quoique quelques chercheurs commencent à changer leur point de vue. Cela signifie que l’écriture a été étudiée comme un objet de connaissance et non comme une ACTION. Parce qu’écrire et lire sont des actions psychologiques qui, bien qu’elles soient réalisées à partir de divers niveaux de conceptualisation (il s’agit de l’apport psychogénétique principal que nous reprendrons dans ce travail), ne se réalisent pas en appliquant directement et mécaniquement les conceptualisations ou « théories implicites » à propos de l’objet. La mise en œuvre des actions du lire ou écrire et son déroulement, n’est pas entièrement déterminée par la conceptualisation qu’on a de l’objet. L’action recouvre une dimension cognitive, intentionnelle, fonctionnelle et contextuelle (psychologiquement et sociologiquement) qui rend nécessaire l’interaction de la conceptualisation à propos de l’objet avec d’autres systèmes cognitifs, d’autres besoins sociaux ou de l’école et d’autres sphères de connaissances concernées. L’étude de l’écriture a, évidemment, son angle psychologique, qui nous tenterons de développer dès l’examen de la perspective psychogénétique.

L’étude de la lecture et de son évolution est passée par différentes centrations pendant quatre décennies à peu près : tandis que, avant 1965 les problèmes étaient tout à fait entremêlés avec les discussions sur les méthodes d’enseignement, c’est à partir de cette date qu’on commence une étude renouvelée ; il naît, en fait, la psycholinguistique qui étudie l’acquisition et les mécanismes d’utilisation du langage sous l’approche chomskienne : innéiste, formelle, régie par des règles et très centrée sur les niveaux syntactiques et sur la démonstration de laréalité psychologique des structures et des règles transformationnelles. On développe, de manière parallèle, les approches de l’intelligence artificielle qui débouchent sur des postulats très riches mais beaucoup plus flexibles et qui tentent de simuler le comportement « en ligne » d’un écouteur, d'un lecteur ou d'un producteur de langage.

À la même époque, et en étroite interaction avec les progrès en intelligence artificielle, la linguistique textuelle naît et avec elle une approche du langage qui essaye d’incorporer, en une seule théorie, des aspects jusqu’alors étudiés de manière séparée : la pragmatique et la sémantique sont comprises dans une nouvelle linguistique, beaucoup plus complexe, flexible, productive et utile aussi pour les psychologues.

C’est dans ce contexte que surgissent et se développent des théories spécifiques de la lecture, comme celle de K. Goodman, qui en 1967 travaillait déjà au niveau textuel avec un modèle centré sur les processus top - down mais qui tente de rendre compte du traitement superficiel du texte ainsi que de sa structuration sémantique. Néanmoins, l’étude du traitement superficiel, au niveau textuel, semble s’arrêter. D’autres approches continuent à travailler au niveau expérimental sur les mots en essayant de développer des modèles qui rendent compte de la lecture (très souvent réduite au repérage des mots) en élaborant ainsi des modèles d’accès lexical ou des modèles de l’évolution de la lecture chez l’enfant. Ces approches traversent les décennies 1970, 1980 et 1990.

Au milieu des années 1970 des études sur la structuration sémantique du texte surgissent, liées à l’élaboration de modèles de la mémoire : nous parlons des études de Kintsch, qui en 1974 publie un livre où il présente une théorie sur le traitement sémantique du texte et son souvenir. Cette théorie est élargie avec la collaboration de van Dijk et en 1983 la théorie stratégique de la compréhension de textes surgit dont l’influence très forte reste encore. Malheureusement, cette théorie n’étudie pas le traitement superficiel du texte, et elle étudie surtout les adultes universitaires. De même, elle ne reste centrée que sur une forme de lire que nous pouvons décrire comme la première approche d'un texte.

D’autre part, dès les années 80, il y a un grand essor de l’étude de l’écriture, de son évolution et de son utilisation individuelle et sociale. De ces recherches, quelques lignes surgissent, au sujet de l’orthographe, de sa structure et de son acquisition, et d’autres qui sont orientées vers la recherche de l’ « oralité » et ses caractéristiques spécifiques, dans des langues occidentales (non « exotiques », comme le français ou l’espagnol), en relation avec les caractéristiques de la version écrite de ces langues.

C’est à partir de ce panorama et dans ce contexte scientifique que nous commençons une étude psychogénétique qui, en même temps qu’elle entend explorer les conceptualisations enfantines sur quelques aspects orthographiques, entend aussi comprendre leur lien avec la performance en lecture; ces objectifs de recherche impliquent l’étude simultanée du traitement et de la compréhension du texte de la part des enfants.

Ainsi, nous trouverons dans cette étude, des enfants qui conceptualisent d’une manière déterminée l’écriture, ou mieux encore, une partie d’elle. Une des caractéristiques plus clairement orthographiques de nos systèmes d’écriture est que, tout en étant alphabétiques, ils ne gardent pas le principe de biunivocité entre des phonèmes et des lettres, ce qui provoque le besoin de recourir à des différentes solutions pour représenter la langue. Mais on voit constamment renouvelé le matériel graphique des systèmes d’écriture, de telle manière que les lettres acquièrent peu à peu des valeurs différentes qui n’ont rien à voir ou très peu avec la représentation de l’aspect sonore des mots. Comme il existe des éléments graphiques dont la fonction est de différencier, dans leur signifié et/ou leur rôle grammatical (logogrammes), les mots écrits. D’autres, en plus de différencier, unifient aussi les morphèmes écrits, ce qui entraîne la création d’un « visage propre » pour chaque famille de mots (morphogrammes). Comment les enfants conceptualisent-ils ces éléments du système ? Est-il nécessaire pour eux de représenter des différences qui vont plus loin que les différences sonores entre les mots ? Comment les enfants font-ils le traitement de ces éléments du système quand ils lisent ? Font-ils vraiment leur traitement, les lisent-ils en réalité ? S’ils ne le font pas à un moment déterminé de leur évolution, à partir de quel moment le font-ils ? Comment les enfants interprètent-ils une phrase ou un texte, compte tenu que pour eux l’information que ces éléments comportent n’est pas observable ?

Nous commençons donc une recherche qui vise à donner une réponse à ces questions, en utilisant comme recours méthodologique un cas linguistique : l’homophonie. Puisque les mots homophones ont la même prononciation mais une signification différente (et quelques fois ont la même écriture ou une différente), ils sont un recours très intéressant pour nos propos.

Nous verrons ici des enfants qui réfléchissent sur l’orthographe, qui font des hypothèses et qui essayent de coordonner des données provenant de l’extérieur avec les critères formels qu'ils construisent à l’intérieur de leurs systèmes explicatifs ; nous verrons aussi des enfants qui doivent décider quelles différences représenter et comment y aboutir. Nous verrons aussi des enfants qui interprètent des phrases compliquées et des fragments de textes, qui comprennent des paires de mots homophones d’après leurs conceptualisations sur l’écriture et d’après une quête de cohérence sémantique, en coordonnant les caractéristiques graphiques du texte avec les interprétations possibles de leur signifié, changeantes, plusieurs fois hypothétiques (du point de vue de l’enfant), mais en poursuivant toujours une cohérence interprétative. Dans ce sens, nous explorerons la richesse de ressources avec lesquelles l’enfant compte et qu’il mobilise pour faire une tâche, qui est aussi problématique que n’importe quel autre problème à caractère physique ou mathématique. En réalité, la tâche de construire l’interprétation d’un texte peut être vue comme la tâche de résoudre un problème : elle met en œuvre tant les « théories implicites» sur l’objet que la construction d’une série de procédures plus ou moins spécifiques, plus ou moins conscientes, qui sont liées à la « théorie implicite » ou que - beaucoup plus intéressant encore- , elles mettent en évidence leurs limitations en suggérant le besoin de la changer. De cette manière, l’interaction entre les structures et les procédures entraîne des changements structuraux et conduit à un perfectionnement et à un choix adéquat des procédures, à l’invention d’autres ou à leur organisation en stratégies claires et efficientes.

Nous ne prétendrons nullement nous occuper à la fois, dans ce modeste travail, des théories de l’accès lexical, des théories de la construction des conceptualisations et des théories de la compréhension de textes. Nous n’explorerons qu’une nouvelle voie, avec une théorie et une méthodologie déjà éprouvées. Nous identifierons des problèmes communs à ces trois approches et nous essayerons de formuler des hypothèses plausibles qui pourraient être explorées en profondeur.

La pensée commence toujours par des plans et des images suggestives mais imparfaites ; elles sont remplacées petit à petit par des meilleures idées –quoique généralement encore imparfaites (...) Il est compréhensible que les psychologues ne se sentent pas à leur aise avec des propositions complexes qui ne sont pas basées sur des mécanismes bien établis. Mais je crois que la parcimonie est encore inappropriée dans ce stade, telle qu’elle est chère dans des phases postérieures du développement de chaque science (Minsky, 1974, pp 113-114. TP 1 ) 2 .

Face au choix de conduire de rigoureuses études expérimentales, très spécifiques, qui tentent de prouver des hypothèses souvent peu significatives compte tenu de l’insuffisante et partielle exploration de l’objet qui est étudié, ou bien d'entreprendre des études qui explorent un secteur plus grand de l’objet où la rigueur est compensée par la liberté d’exploration et par la quête d’une théorie cohérente avec les renseignements et qu’elle permette la construction des hypothèses significatives par rapport à la théorie qui les entraîne, nous avons toujours préféré le deuxième type d’études. Nous croyons, en accord avec Minsky, que la psycholinguistique de l’écrit est encore dans ses phases initiales de développement et que l’attachement à un certain type de rigueur méthodologique peut être plutôt un obstacle et non pas un coup heureux épistémologique.

Nous faisons une étude qu’on pourrait caractériser comme qualitative (nous avons interviewé que 37 enfants), transversale (enfants de 7-8 et 9-10 ans) et comparative (enfants hispanophones et francophones). Nous avons conduit des interviews individuelles à travers lesquelles nous avons recueilli un grand nombre de données concernant la manière dont les enfants lisent et écrivent, en situations de réflexion et de justification, ou tout simplement dans une situation d’écriture ou de lecture qui n’impliquait aucune justification de leur part. De ce vaste ensemble de données que nous appellerons « le corpus raie » - du nom du titre du texte - (dont l’analyse systématique prendrait des années compte tenu de son ampleur), nous avons décidé d’analyser trois aspects liés directement à notre objet de recherche : les critères d’écriture adoptés par les enfants pour écrire des paires homophones de mots ; l’interprétation qu’ils donnent à des paires homophones de phrases qui contiennent des mots homophones mais hétérographes et, finalement, la manière dont ils interprètent, dans le contexte de la lecture d’un texte, un passage qui contient aussi des paires homophones de mots hétérographes. L’analyse qualitative de ces données recueillies sera l’objet de tout ce travail.

Le fait de remarquer que l’analyse est qualitative signifie que nous nous occuperons de chercher systématiquement les liens (on pourrait dire structuraux) entre les réponses ou les solutions trouvées par les enfants devant les situations d’écriture et celles de lecture. Nous supposons, comme première thèse, que le comportement est structuré, et que le niveau de réflexion ou de conceptualisation atteint par l’enfant - s’il ne détermine pas tout à fait le comportement enfantin dans les trois situations analysées - au moins les encadre. En même temps, nous soutenons que les procédures mises en marche dans le but d’interpréter un texte peuvent mettre en évidence les lacunes ou les non adéquations des « théories implicites » ou conceptualisations de l’objet dans le plan structural.

Nous avons décidé de faire une recherche comparative entre des enfants francophones et des enfants hispanophones car les systèmes graphiques qui correspondent au français et à l’espagnol peuvent être considérés comme polaires. Dans l’extrémité de la transparence on trouve l’écriture de l’espagnol, avec sa grande régularité alphabétique, tandis que dans l’extrémité de l’opacité on trouve le français, avec son éloignement du principe alphabétique puisqu’il incorpore toute une série d’éléments logographiques et morphographiques de très haute fréquence : les logogrammes qui permettent de distinguer des mots graphiques, tels que a de à, sont utilisés précisément dans des séries à haute fréquence et, par conséquent, ils sont toujours présents dans l’écriture. Les morphogrammes grammaticaux dans les verbes rendent inévitable aussi leur traitement rapide par l’enfant, par l’école et par la société (comme par exemple, lors des interactions spontanées entre l’enfant et ses parents).

Logogrammes et morphogrammes existent dans les deux écritures, bien qu’ils aient une présence très différente en termes de fréquence. En espagnol, par exemple, une « faute d’orthographe » ne devient visible aussi clairement, ni ne change beaucoup le « visage » du mot écrit comme c’est le cas en français –au moins dans quelques cas (voir, par exemple, rineaucereause vs rhinocéros).

Il y a des variables qui ne sont pas faciles à contrôler quand on fait des comparaisons entre différentes cultures. Sur le plan social, le Mexique et la France sont deux pays très différents : le premier en voie de développement, ce qui implique d’emblée de bas niveaux de revenu et de scolarité. Tandis que la France est un pays développé à haut niveau d’éducation (surtout aux niveaux élémentaires d’éducation) et a une répartition des ressources beaucoup plus égalitaire (au moins jusqu’à aujourd’hui où la situation s’est retournée à nouveau, comme dans le monde entier). Mais, par rapport à l’orthographe, ces deux pays ont aussi des contrastes : au Mexique il y a une attitude très relâchée. En France, par contre, il y a historiquement une attitude très stricte envers l’orthographe.

Quelques chercheurs, centrés sur les particularités des écritures, ont tendance à postuler des mécanismes spécifiques d’acquisition de caractéristiques spécifiques des écritures. À cette tendance nous opposons notre deuxième thèse où les ressemblances sont beaucoup plus importantes dans les processus d’apprentissage que les différences, compte tenu, entre d’autres choses, des caractéristiques nécessaires endogènes de l’évolution de la connaissance (d’après Piaget compte tenu des processus d’équilibration).

Nous proposons aussi une troisième thèse qui voit l’évolution de l’écriture chez l’enfant (ou une partie minimale d’elle) dans le sens qui va de sa dépendance à son indépendance par rapport à l’oralité. Une thèse plus ou moins contraire a été soutenue par Ferreiro. L’écriture est, principalement, alphabétique. Cette caractéristique, une fois découverte par l’enfant, provoque qu’il demeure fortement centré sur elle et qu’il la conçoit comme étroitement liée à l’oralité. Nous verrons comment les enfants cherchent dans l’oralité la solution à des conflits interprétatifs qui ne s’y trouvent pas. En fait, une interprétation des phases finales de l’évolution sociale de l’écriture poursuit plus ou moins les mêmes chemins : de la scriptio continua grecque à l’écriture actuelle il y a tout un processus qui invente et qui accumule, dans le mot écrit, beaucoup plus que ses caractéristiques sonores ; et dans le texte beaucoup plus qu’un guide pour un futur discours oral.

De cette manière, nous soutiendrons trois thèses dans ce travail : la thèse de l’interdépendance entre structures et procédures ; la thèse de l’homogénéité des processus par rapport à l’hétérogénéité des systèmes ; et la thèse de la dépendance-interdépendance de l’écriture par rapport à l’oralité. Toutes, dans le cadre d’une recherche qui ne prétend que jeter des ponts entre différentes approches sur l’étude de l’acquisition et de l’utilisation de la langue écrite en reprenant ses principales constructions, en signalant ses limites et en essayant de créer une approche qui vise à unifier les différentes théories et approches dont l’objet d’étude est, finalement, le même : l’acquisition et l’utilisation de l’écriture dans notre société.

Notes
1.

Par la suite, nous ajoutons TP pour signifier “traduction personnelle”

2.

Thinking always begins with suggestive but imperfect plans and images ; these are progressively replaced by better –but usually still imperfect- ideas […] It is understandable that psychologists are uncomfortable with complex proposals not based on well established mechanisms, but I believe that parsimony is still inappropriate at this stage, valuable as it may be in later phases of every science (Minsky, 1974, pp 114-114).