1.3.3 la classification géographique

La classification géographique repose principalement sur la distinction ancienne entre l’Empire Romain Occidental et l’Empire Romain Oriental4. Ainsi, la Romania contemporaine est divisée en deux zones fondées sur les frontières du monde latin au crépuscule de son existence, et qui seraient la Romania Occidentale - réunissant la Gallo-Romania des parlers occitan, franco-provençal et français ; la Rhéto-Romania, l’Italie Septentrionale et l’Ibéro-Romania, des parlers catalans, espagnols et portugais - ; et la Romania Orientale - réunissant la partie centrale et sud de l’Italie, la côte dalmate et les parlers roumains (Lausberg, 1963).

Enfin, un îlot indépendant, conservant des archaïsmes d’origine latine non attestés ailleurs, serait la Sardaigne. Notons de même, la divergence d’opinions sur le statut du monde occitan, considéré par certains romanistes comme zone à part, indépendant de la Gallo-Romania (voir Bec, 1971, par exemple). De même, le catalan est considéré comme appartenant soit au monde occitan, soit ibérique. Afin de simplifier la description, nous gardons dans ce qui suit la classification de Lausberg (1963).

Les quatre régions de la Romania Occidentale sont présumées accueillir les parlers suivants.

L’Occitanie regroupe les parlers gascons (dans le Sud-Ouest de la France) et occitans proprement dits (plus au Nord, dans le Limousin, Basse-Auvergne, le Massif Central et la Provence) et moyens (du Sud de la Provence et du Languedoc occidental et oriental).

Le reste de la Gallo-Romania accueille les parlers franco-provençaux (se trouvant dans la région du Lyonnais, du Jura, des Alpes du Nord, de la Franche-Comté et, en Italie, dans la région du Val d’Aoste) et les autres parlers français, basés sur la langue d’oïl et qui s’étalent sur la quasi totalité de la moitié septentrionale de la France, exceptions faites des zones où l’on retrouve les parlers breton, flamand et alsacien. De plus, les parlers français se retrouvent également en Belgique et en Suisse Romande.

La Rhéto-Romania réunit les parlers rhétiques (dits aussi ladins ou rhéto-romans) et qui sont principalement parlés dans les trois régions décrites ci-dessous.

La première région est celle des Grisons en Suisse, où l’on retrouve les deux parlers principaux suivants : le parler rhétique de la haute vallée du Rhin, divisé d’après la zone de dissémination dans le sursilvain et le soussilvain, et l’engadinois, qui est parlé dans la vallée de l’Inn et qui subit la même division, en haut-engadinois et bas-engadinois.

La deuxième région se trouve dans les Alpes Dolomitiques, et plus précisément dans le Tyrol et accueille les parlers ladins. Enfin, la troisième région est celle du Frioul et se trouve dans le Nord-Est de l’Italie.

L’Italie Septentrionale, à laquelle l’on rattache également la partie italophone de la Suisse, accueille les cinq parlers suivants : le piémontais, le génois, le lombard, le vénitien et l’émilien-romagnol.

Enfin, l’Ibéro-Romania est principalement divisée dans les trois zones suivantes : catalane, espagnole et portugaise.

La région catalane a comme centre la Catalogne, en Espagne ; elle regroupe également d’autres régions hispaniques, comme celles de Valence et d’Alicante. De plus, le catalan est parlé dans la région d’Alguer en Sardaigne, en France, dans les Pyrénées Orientales et dans la principauté d’Andorre.

Les parlers espagnols couvrent la plus grande partie de l’Espagne (sauf les zones catalane, basque et galicienne). Il est possible d’identifier trois parlers principaux : le castillan, qui est la langue officielle, les parlers centraux (le léonais et l’aragonais) et les parlers méridionaux (l’andalou).

Quant aux parlers portugais, ils sont regroupés d’après trois zones principales : les parlers du Nord dans les régions de Minho, Douro, Tras-os-Montes et le galicien (parlé également en Galice espagnol), les parlers centraux (dans la région de Beiras) et les parlers du Sud (dans l’Estramadure, Ribalejo, Alemtejo et Algarve).

La Romania Orientale réunit deux zones principales, l’Italie extra-septentrionale et les régions balkanique et trans-balkanique.

Les parlers italiens sont de trois types : centraux ou toscans (comme, par exemple, le florentin, le siennois, le pisan, etc.) ; centro–méridionaux (l’ombrien, le romain, l’abruzzian, entre autres) et méridionaux (parlés dans le Sud de la région de la Pouille, en Calabre et en Sicile).

Les parlers balkaniques et trans-balkaniques sont les quatre suivants : l’istro-roumain, parlé par des communautés de plus en plus réduites dans la région d’Istrie Orientale en Croatie ; le mégleno-roumain, principalement parlé en Grèce dans la région du Nord de Salonique, l’aroumain (ou macédo-roumain), parlé dans ce même dernier pays, mais aussi dans quelques régions d’Albanie, Bulgarie, et plus récemment, Roumanie ; et le daco-roumain, parlé dans l’ancien périmètre de la Dacie Romaine, principalement en Roumanie et en République Moldave.

Enfin, la Sardaigne, accueille trois parlers principaux, divisés d’après les régions de l’île : les parlers du nord, le gallurien et le sassarien, qui sont proches de l’italien ; le logoudorian, qui est le vrai sarde et qui est parlé dans le centre de l’île ; et le parler campidanien du sud, dont les particularités de structure témoignent d’une influence sicilienne.

Ces parlers se retrouvent dans huit pays européens en tant que langue ou l’une des langues officielles, à savoir dans les pays suivants : Belgique, France, Luxembourg, Espagne, Portugal, Suisse Romande, Italie, Roumanie. La carte ci-dessous illustre cette dispersion principale, ainsi que celle de la plupart des dialectes romanophones.

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Figure 2 : Dispersion européeene des idiomes néo-latins contemporains.

Ils forment la Romania traditionnelle, à laquelle on rajoute la Romania nouvelle, d’outre-atlantique et réunissant les Antilles, les Mascareignes, l’Est du Canada, ainsi que d’autres régions d’Amérique du Nord, d’Amérique Centrale et du Sud. Cette dernière Romania, de date plus récente, est créée surtout sur la base du français, de l’espagnol et du portugais et connaît à son tour maintes divisions et spécificités de classifications, que nous n’allons pas aborder ici.

Notes
4.

La classification géographique des LR ne fait pas de consensus général. Nous reprenons donc le partage du monde latinophone d’après la distinction classique séparant les LR de l’Ouest et de l’Est de l’Europe. Notons cependant que les frontières sont controversées et remises en question d’un auteur à l’autre. Voir entre autres, Lausberg (1963), Bec (1971), Bourciez (1967), Camproux (1979), Posner (1996), Jensen (1999).