2.2.1 des objectifs de l’IAL : enjeux et rÉalisations

L’objectif de l’IAL, lié à l’identification d’une langue parmi plusieurs autres à partir d’un court échantillon sonore extrait de la langue, est partiellement atteint. Les évaluations standardisées ne fournissent pas, pour autant, de pourcentage de réussite accessible au plus large nombre, en raison de la haute confidentialité du domaine. Cette confidentialité est le résultat des enjeux aussi bien militaires qu’économiques. En outre, il n’existe pas de donnée récente sur l’IAL, car les dernières évaluations sont plus particulièrement consacrées à la RAP et à l’identification du locuteur.

L’IAL est une discipline née de l’intérêt du Ministère de la Défense américain (la DoD), et du besoin de faire face à des nécessités de communication lors de situations militaires conflictuelles. Un besoin similaire est à la base de l’intérêt accordé plus tard aux recherches en IAL par son homologue, le Ministère de la Défense Français (Pellegrino, 1998). Cependant, ces enjeux initiaux ont été largement surpassés de nos jours par la grande applicabilité commerciale qu’un système d’IAL pourrait avoir dans notre société multinationale (et multilingue). Ces deux enjeux incontestables ont été maintes fois soulignés (Pellegrino, 1998).

Le développement des technologies vocales est en même temps à l’origine de l’apparition d’un nouveau domaine linguistique, que certains auteurs ont appelé la Phonétique Computationnelle (Moore, 1995 ; Pools, 1999). Cette discipline est née d’un besoin de modélisation linguistique en accord avec les objectifs concrets des systèmes automatiques. Il est largement accepté que le début des recherches en TAP soit plutôt source de réductionnisme en termes de modélisation linguistique. Actuellement, ces recherches constituent autant de défis scientifiques pour plusieurs branches de la linguistique ou, plus récemment, des sciences cognitives. Le paradigme principal consiste en la comparaison des performances de l’être humain et des machines dans les mêmes tâches. Jusqu’à présent, la réussite des systèmes automatiques reste nettement inférieure. Afin d’améliorer la robustesse des machines, l’idée a donc été formulée d’étudier les différentes composantes du système perceptif humain (Lipmann, 1997 ; Muthusamy, Barnard & Cole, 1994 ; Pols, 1997 et 1999 ; entre autres).

Les événements acoustiques analysés et l’étude de leur traitement par le système perceptif humain sont multiples (l’intégration des traits portés par le signal, l’adaptation perceptive à la variation de débit de parole, le traitement de la coarticulation, l’identification des accents étrangers, la robustesse face au bruit et à la réverbération, ...). Le corollaire cognitif de ces desiderata a fait que, par la suite, ce type d’approche a été associé à l’étude de l’acquisition des langues via celle du système perceptif des humains et des non-humains confrontés à des tâches de discrimination linguistique. Ces travaux sont généralement ciblés sur une seule composante langagière qui concerne le plus souvent le niveau supra-segmental (Ramus, 1999).

Enfin, les recherches en typologie des langues peuvent à leur tour bénéficier des avancées de l’IAL, dans la mesure où le besoin de modélisation multilingue soulève la question de distance linguistique. Par exemple, il a été précisé qu’en tenant compte des prédictions typologiques, on pourrait réduire le coût de traitement en termes d’ajout de nouveaux modèles lorsqu’une langue nouvelle doit être englobée dans un système d’IAL. Autrement dit, la prise en compte des classifications des langues dans le domaine de la linguistique typologique pourrait contribuer à la diminution du nombre de modèles dans le système (Thymé-Gobbel & Hutchins, 1996 ; 1999).