3.4.2 les sujets roumains

Les sujets roumains représentent la seconde population ayant un rapport privilégié avec les langues de test grâce à l’origine latine de leur langue maternelle. Toutefois, le roumain est la langue romane la plus isolée de ses parents latins. Aussi, pouvons-nous nous demander si les auditeurs roumains utilisent réellement des stratégies perceptives analogues à celles développées par les Français, d’autant plus qu’il s’agit d’une population évoluant dans un environnement linguistique complexe, au voisinage slave, mais aussi sujette aux expositions à des langues de la famille latine.

Ces dernières ont un caractère plus récent et elles sont possibles au travers des médias roumains qui privilégient les langues néo-latines. Il s’agit plus particulièrement de fictions télévisées principalement en espagnol mais également en portugais sud-américains que les principales chaînes de télévision publiques présentent en version originale sous-titrée. Par ailleurs, cette exposition a été confirmée par les sujets ayant participé à notre expérience lors des entretiens informels que nous avons réalisés avec eux, après le test. Enfin, la plupart des sujets connaissent le français même s’ils ne le parlent pas couramment. En effet, le français représente encore la langue étrangère la plus enseignée à l’école aux enfants roumains.

Les sujets roumains ont été soumis au même protocole expérimental que les sujets français.

Avant toute analyse plus fine, nous avons effectué un test statistique permettant d’estimer la part du hasard dans les jugements des Roumains sur les stimuli de notre test. Or, il s’avère que la plupart des sujets roumains ont fourni des scores supérieurs au hasard pour la quasi-totalité des stimuli, exception faite de la paire Portugais/Portugais (t=1.314, p=0.2044). Ce résultat est analogue à celui de la population précédente, c’est-à-dire que le portugais est une langue peu connue aussi bien pour les Français que pour les Roumains. Ce score semble indiquer que les sujets roumains développent des stratégies de discrimination similaires à celles des Français qui sont basées sur leurs connaissances antérieures des langues romanes, mais visiblement moins sur la phase d’entraînement dont ils auraient pu tirer profit. Ainsi, les extraits en portugais que nous avons présenté pendant la phase d’entraînement n’ont pas aidé les sujets roumains à mieux identifier cette langue. Une même observation pourrait être formulée quant à l’identification du portugais et du roumain par les sujets français.

En effet, le portugais est le moins bien représenté parmi les langues auxquelles cette population est exposée, qu’il s’agisse des connaissances acquises durant leur scolarité ou lors des interactions linguistiques quotidiennes. Par conséquent, lors du test, cette langue a bénéficié de réponses qui ne sont pas significativement différentes du hasard.

Comme auparavant, la première partie de l’analyse des résultats sera consacrée aux pourcentages de discrimination correcte des langues romanes, qu’il s’agisse de stimuli comprenant des signaux d’une même provenance linguistique (i.e., de type AA) ou de ceux comprenant des signaux issus de langues différentes (i.e., de type AB).

Ensuite, une section sera consacrée aux distances linguistiques établies entre les cinq langues néo-latines par le biais du paradigme expérimental de discrimination. A cette fin, la MDS mettra en évidence les ’cartes perceptives’ du domaine linguistique étudié.

Enfin, dans la dernière partie nous tâcherons de comparer les stratégies perceptives découvertes par l’analyse des taux de réussite avec celles évoquées par les sujets lors de la phase d’évaluation. Ainsi, nous allons pouvoir juger s’il y a une correspondance entre les résultats des sujets roumains et leurs jugements post-test sur leur tâche.