3.4.2.5 Discussion

Arrivés au terme de cette analyse des résultats des sujets roumains, quelques remarques semblent s’imposer.

Tout d’abord, elles concernent le fait que cette population présente des similarités globales indubitables avec la population précédente pour ce qui est du comportement perceptif vis-à-vis des 50 stimuli présentés. Ainsi, la langue maternelle est encore responsable de la stratégie privilégiée lors de la catégorisation des langues. Ensuite, la familiarité a également été responsable de l’obtention de plusieurs scores de discrimination aussi bien pour les stimuli de type AA que pour ceux de type AB. Ces résultats confirment qu’il s’agit de comportements perceptifs généraux et dépendants du rapport que les sujets entretiennent avec les langues présentées dans la tâche expérimentale.

En revanche, les indices linguistiques ont été exploités de façon semble-t-il plus précise que dans le cas des sujets français. Ils ont permis un regroupement des langues dont le critère pourrait reposer sur la complexité des systèmes vocaliques des langues romanes, qui opposerait le groupe formé par l’italien et l’espagnol, d’une part, du groupe formé par le français et le portugais, d’autre part. Notons toutefois le peu de recouvrement qui existe entre les stratégies de discrimination effectives et celles attestées dans l’évaluation présentée dans la section précédente. À titre d’exemple, le rythme de l’italien a été mentionné par les sujets comme le principal indice de discrimination pour cette langue, mais le regroupement avec l’espagnol, qui est une langue présentant des patterns rythmiques différents, montre qu’en réalité ce n’est pas le rythme qui a été exploité, mais d’autres traits linguistiques.

En conclusion, les sujets roumains confirment le modèle de comportement perceptif spécifique à une population dont la langue maternelle fait partie des idiomes de test. De plus, ils témoignent d’une propension à trouver des indices linguistiques robustes. En effet, les résultats obtenus justifient la formulation d’une hypothèse sur l’existence d’un discriminant principal qui repose sur les complexités respectives des systèmes vocaliques des langues romanes. Toutefois, si ce discriminant vocalique joue sans doute un rôle important dans la différenciation linguistique, il n’arrive qu’en seconde place, c’est-à-dire après les stratégies reposant sur des critères extérieurs à l’information linguistique portée par les stimuli.

C’est pourquoi nous consacrerons la deuxième partie de cette recherche à la vérification du poids de ce discriminant au moyen d’un même paradigme expérimental, mais appliqué à des populations dont la langue maternelle n’est pas parmi les langues romanes utilisées dans le test.

Deux populations ont été choisies, en fonction du degré de familiarité potentiel avec les langues néo-latines. Il s’agit tout d’abord des vingt sujets japonais, testés dans leur pays et qui présentaient une exposition antérieure très réduite aux langues romanes. Ensuite, nous avons choisi vingt sujets américains, dont l’exposition aux langues romanes semblait être plus fréquente, mais non-systématique.

Dans ce qui suit, nous allons d’abord présenter les résultats obtenus avec les sujets japonais.