3.4.4.1 Les paires de langues de type AA

Le graphe ci-dessous fait état du rôle de l’exposition linguistique antérieure au test dans la construction des stratégies de discrimination des sujets américains. En effet, les meilleurs résultats en reconnaissance des extraits comme appartenant à la même langue ont été obtenus pour les paires Français/Français (87,5%) et Espagnol/Espagnol (92,5%). Les différences statistiques entre ces deux stimuli cités et les trois autres paires linguistiques, à savoir Italien/Italien (70%), Roumain/Roumain (67,5%) et Portugais/Portugais (55%) sont statistiquement significatives. Les résultats non-significatifs obtenus pour le stimulus Portugais/Portugais vont dans le sens des résultats des Français et des Roumains et montrent qu’une langue peu familière pose de sérieux problèmes de reconnaissance.

Le traitement statistique en termes d’écarts significatifs entre les pourcentages montre que la familiarité avec le français et l’espagnol a joué un rôle important dans l’obtention des scores. Cet écart est donc important entre le français et le roumain (t=2.027, p=0.0569), le français et le portugais (t=3.322, p=0.0036), l’espagnol et le roumain (t=2.517, p=0.0210), l’espagnol et l’italien (t=2.438, p=0.0248) et, enfin, l’espagnol et le portugais (t=3.648, p=0.0016).

Ces différences statistiquement significatives mettent en évidence les effets de familiarité antérieure avec les langues romanes comme chez les Français et chez les Roumains. En effet, lorsque les sujets ont des connaissances antérieures sur certains idiomes, leurs jugements dans la tâche de discrimination sont biaisés par cet effet de familiarité. La familiarité entraîne une première division majeure entre des langues connues et des langues méconnues et éventuellement le regroupement des langues méconnues dans une catégorie non-différenciée comme chez les Français qui ont regroupé le roumain et le portugais pour cette raison. De plus, la familiarité semble occulter d’autres stratégies perceptives, car nous avons pu signaler que pour les Japonais le roumain et le portugais (i.e., les langues qui ont obtenu les taux de réussite les plus bas chez les Français et chez les Roumains) étaient des langues reconnaissables grâce à des indices linguistiques.

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Figure 28 : Scores de discrimination correcte obtenus par les sujets américains pour les stimuli de type ’même langue’ (AA).

Comme nous pouvons le voir, les pourcentages obtenus font état à nouveau du rôle de l’entraînement antérieur et laissent entendre que lorsque les sujets doivent faire face aux idiomes qu’ils connaissent mal, ils les classent dans une catégorie du type [- connu]. Dans le cas précis de la population américaine, le français, l’espagnol sont caractérisés par le trait [+ connu], tandis que le roumain et, surtout le portugais, représentent des langues du type [- connu].

De plus, nous pouvons noter que la différence entre les pourcentages obtenus pour l’espagnol et le français n’est pas statistiquement significative. Autrement dit, ces auditeurs n’ont apparemment pas bénéficié de connaissance plus marquante de l’une des deux langues que de l’autre. Enfin, l’italien se trouve entre ces deus groupes de langues extrêmes, dans la mesure où l’espagnol a été significativement mieux reconnu que cette langue (t=2.438, p=0.0248).