3.4.4.4.2 Comparaison des RT des deux parties du test

En effet, nous pouvons remarquer que les différences sont très peu significatives. Les deux graphes suivants mettent en évidence le RT moyen pour chacune des paires de test.

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Figure 33 : Taux des latences obtenus pour la première partie du test (les 25 premiers items).
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Figure 34 : Taux des latences obtenus pour la seconde partie du test (les 25 derniers items).

L’effet d’apprentissage n’est pas très évident pour les paires linguistiques de type ’même langue’. Quant aux stimuli de type ’langues différentes’, l’effet d’apprentissage est plus marqué et lié aux connaissances ou au contraire méconnaissances linguistiques de la population américaine.

Nous allons commenter ci-dessous les cas qui nous semblent les plus illustratifs.

Ainsi, cet effet d’apprentissage ne se manifeste pas pour les items où l’on retrouve les langues relativement connues préalablement, comme le français où l’espagnol. Mais, on peut constater un effet plus important pour les stimuli qui comportent du portugais, langue moins connue par ces sujets.

C’est le cas par exemple pour la paire de langues Portugais/Espagnol. Ainsi, le RT obtenu lors de la première partie du test est significativement plus important que celui de la seconde partie (t=2.085, p=0.0508). Cependant, l’effet d’apprentissage est inversé de manière surprenante dans le cas du stimulus Portugais/Italien, puisque le RT obtenu durant la première partie du test est significativement plus réduit que celui de la seconde (t=2.106, p=0.0487). Toutefois, cet effet doit être considéré avec la plus grande prudence, car, nous avons pu voir, la différence globale entre les RT de la première partie du test et ceux de la seconde ne présentent pas de différence statistiquement significative (voir la section précédente).

Deux explications possibles peuvent être avancées :

  1. Les sujets ont réussi lors de la première partie du test à capter des traits du portugais et à ’apprendre’ les particularités de cette langue. Par conséquent, lors de la deuxième partie du test ils ont tenté de repérer ces spécificités, ce qui implique qu’ils ont mis plus de temps avant de prendre une décision.

  2. L’effort de concentration fatigue les sujets, ce qui fait que lors de la seconde partie du test ils ont eu besoin de plus de temps pour prendre une décision. Notons encore une fois que cette explication pourrait être contredite par la différence globale des RT qui n’est pas statistiquement significative. Ainsi, cette explication ne concernerait que certaines paires de langues.

La différence statistiquement significative entre le RT de la première partie du test est celui de la deuxième partie ne concerne cependant que ce type de stimulus Portugais/Autre_Langue_Romane. En effet, le portugais représente la seule langue qui entraîne des différences significatives des latences d’une partie à l’autre du test. Par ailleurs le portugais est l’un des idiomes le moins connu par les sujets américains. Ainsi, nous sommes plutôt tentés de prendre en compte l’explication a) ci-dessus : le traitement de la paire linguistique Portugais/Espagnol a nécessité moins de temps dans la seconde partie du test, car les sujets ont ’appris’ les caractéristiques du portugais et essayé d’utiliser les connaissances acquises pendant la première partie. Cependant la paire Portugais/Espagnol comporte une langue connue qui est l’espagnol. En revanche, une paire comme par exemple Portugais/Italien exigeait l’apprentissage de deux langues moins connues. Par conséquent, dans la seconde partie du test, ils ont mis plus de temps à prendre une décision, car ils devaient utiliser les connaissances apprises lors de la première partie et lors de l’apprentissage pour les deux langues peu connues simultanément.

Notons également la présence d’un effet d’entraînement pour la paire de langues Espagnol/Italien qui nous intéresse plus particulièrement et qui a pourtant posé de sérieux problèmes de reconnaissance (t=0.816, p=0.4247). Ainsi, les sujets américains ont eu besoin de moins de temps dans la seconde partie du test pour traiter cette paire linguistique. Cela pourrait sembler contradictoire et cela pourrait signifier qu’ils ont appris à bien différencier les deux langues grâce à l’entraînement et que dans la seconde partie du test ils ont mis à profit cette connaissance. Cependant, le résultat en discrimination correcte est tout à fait contraire, puisque nous allons voir que cette paire a obtenu des scores de réussite inférieurs pour la deuxième partie du test. Cela signifie que plus les sujets américains ont entendu les deux langues appariées, plus ils les ont confondues. Par conséquent, ils ont eu besoin de moins de temps de réflexion dans la seconde partie du test, dans la mesure où ils sont probablement devenus sûrs de leur jugement, pourtant faux.

La familiarité a semblé jouer un rôle important dans le cas des stimuli Italien/Italien et Portugais/Portugais par rapport aux stimuli Espagnol/Espagnol et Français/Français dans la première partie de l’expérience, les RT pour les deux derniers stimuli étant significativement plus court. Il faut tout de même mentionner qu’il n’y a pas de corrélation entre les RT et le taux de réponses correctes comme nous allons voir dans la section suivante.

Une observation similaire peut être faite quant aux différences, statistiquement significatives, entre les paires Roumain/Français et (t=2.468, p=0.0233) dans la première partie de l’expérience. Cette différence statistiquement significative montre que le RT pour la paire Roumain/Français a été plus long que pour la paire Espagnol/Français et permet de faire l’hypothèse que les sujets ont besoin de plus de temps lorsqu’ils doivent juger deux langues dont l’une est moins connue (la paire Roumain/Français), que deux langues connues (la paire Espagnol/Français). D’autres paires soulèvent le même problème. Cela concerne la différence entre les paires Roumain/Français et Portugais/Roumain, les sujets américains ayant eu besoin de plus de temps pour juger la seconde paire de langues (t=2.272,p=0.0349). Ce fait peut être expliqué par la connaissance limitée du portugais et du roumain, alors que la paire Roumain/Français a pu être mieux discriminée grâce à la présence du français. Enfin, les différences suivantes sont statistiquement significatives en faveur du premier stimulus et confirment la même tendance : Espagnol/Italien vs. Roumain/Italien (t=2.990, p=0.0075), Espagnol/Italien vs. Portugais/Espagnol (t=2.992,p=0075), Espagnol/Français vs. Italien/Français (t=2.343, p=0.0302).

On peut également observer des effets liés aux facteurs proprement linguistiques dans la magnitude des RT nécessaires pour discriminer des langues différentes présentées dans le même stimulus. Les sujets américains ont eu plus de mal à différencier en termes de RT, par exemple, l’espagnol du roumain que l’espagnol du français (t=2.570, p=0.0187) ; ou encore, l’espagnol du portugais que l’espagnol du français (t=4.721,p=0.0001). Dans ces deux cas, il n’est vraisemblablement pas question du rôle de la familiarité, dans la mesure où les items incluent l’espagnol, qui est l’une des langues les plus connues. Nous pouvons penser que la contre-performance des sujets Américains pour les paires Espagnol/Roumain et Espagnol/Portugais résulte du fait que l’espagnol partage des traits linguistiques avec le roumain et avec le portugais, respectivement (dans ce dernier cas, le fait que les deux langues sont géographiquement proches constitue un argument de plus).

En guise de conclusion partielle, nous pouvons remarquer la diversité des effets qui pourraient être pris en compte lorsque nous discutons les RT obtenus pour chaque stimulus. Nous voyons une explication de ce fait dans la complexité de la tâche et des stratégies perceptives que les sujets américains ont mises en oeuvre afin de traiter les stimuli, cas par cas. Nous poursuivons notre analyse avec des analyses plus précises, tout en espérant que cela va nous permettre de faire ressortir les principaux effets révélés par les RT.