4.4.1 les sujets français

Les résultats de la population française ont tout d’abord été traités en termes de significativité statistique par rapport au hasard. Dans le cas du jugement de similarité, il est difficile d’interpréter cette significativité. En particulier, les réponses intermédiaires (point 3 sur l’échelle) correspondent soit à la perception d’une réelle distance sonore intermédiaire entre les échantillons d’un stimulus, soit à une non-décision due à une difficulté d’évaluation du degré de similarité exacte des langues. À l’inverse, les valeurs extrêmes de l’échelle indiquent une prise de décision claire par les sujets. Ainsi, appliquer un test de significativité comme celui employé pour analyser les résultats de la tâche de discrimination ne permet pas de détenir l’interprétation exacte.

En ce qui concerne les stimuli de type AA, il s’agit de voir quelles sont les paires qui ont posé des problèmes d’identification. Quant aux stimuli de type AB, ce test permet de connaître les stimuli pour lesquels la décision a été difficile (i.e., qui ont été associés à la partie médiane de l’échelle).

Le test statistique met en évidence le fait que l’évaluation a été facile, exception faite des items suivants : Portugais/Espagnol (t=1,506, p=0.1485), Roumain/Italien (t=,225, p=0.8246) et Espagnol/Roumain (t=1,926, p=0.0692). Nous pouvons trouver une explication de ce résultat dans le fait qu’il s’agit des langues qui partagent certains traits en raison de leur origine commune. Cela peut entraîner une impression de similarité, mais ces traits communs n’ont visiblement pas un poids suffisamment important pour situer les scores dans la partie supérieure de l’échelle.

Ainsi, la paire Portugais/Espagnol présente des signaux de deux langues ibériques, lesquelles, nous avons pu le signaler dans le premier chapitre de ce travail, partagent certains traits consonantiques, comme, par exemple, la spirantisation en position intervocalique. Le roumain, qui s’est avéré difficile à évaluer par rapport à l’italien et à l’espagnol, est une langue moins riche en oppositions vocaliques que le portugais et le français, mais cependant plus complexe de ce point de vue que l’italien. Au niveau des spécificités supra-segmentales, le roumain est plus proche de l’italien et du portugais que du français. En conséquence, il est possible que les auditeurs aient eu des difficultés à situer cette langue en comparaison avec ses parents latins. Cette difficulté pourrait être liée aussi bien à des traits segmentaux qu’à des traits supra-segmentaux.

Les stimuli qui n’ont pas posé de problème d’évaluation sont d’abord ceux de type AA, et, parmi les stimuli de type AB, tous ceux qui incluaient du français, ainsi que les items Espagnol/Italien et Portugais/Roumain. Ces deux derniers représentent les cas les plus intéressants, car ils mettent en évidence les langues romanes autres que la langue maternelle jugées sans hésitation comme similaire par la population française. N’oublions pas que les stimuli de type AA renvoient à une tâche d’identification linguistique, tandis que les items de type AB comportant du français permettent uniquement de voir si la langue maternelle peut être comparée avec une autre langue.

Dans la partie suivante nous commenterons d’abord les taux d’évaluation obtenus pour les stimuli de type AA et AB et nous consacrerons une dernière partie de cette section à l’analyse multidimensionnelle des résultats des Français.