4.4.1.1 Les paires de langues de type AA

Comme nous l’avons précisé précédemment, le traitement des items de type AA revient au jugement de type ’identification linguistique’, compte tenu du fait qu’il s’agit de la reconnaissance de l’identité des deux signaux extraits de la même langue. Dans le cas présent, les sujets français ont bien reconnu les langues du corpus : les points de l’échelle associés aux stimuli sont supérieurs à 3. Dans le tableau ci-dessous les bâtonnets représentent la moyenne des deux valeurs fournies pour chaque stimulus de type AA proposé lors du test (deux stimuli pour cinq types de stimuli).

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Figure 38 : Taux d’évaluation de la similarité obtenus par les sujets français pour les paires linguistiques de type ’même langue’ (AA).

Ainsi, à l’exception de la paire Portugais/Portugais (pour laquelle la moyenne est de 3,7), tous les items ont reçu des valeurs supérieures à 4 : la paire Italien/Italien a été évaluée à 4,5, de même que la paire Espagnol/Espagnol, tandis que la paire Roumain/Roumain a été jugée à 4 points sur l’échelle. Bien évidemment, la paire Français/Français a été évaluée comme la plus similaire (4,9). Toutefois, le fait que ce stimulus n’ait pas obtenu le point 5 implique que l’évaluation a été assez complexe et que probablement les voix des locuteurs ont eu une certaine influence sur la notation.

Nous pouvons constater que les langues les plus difficiles à ’identifier’ ont été à nouveau le portugais et le roumain. Ainsi, leurs scores de similarité sont significativement plus bas que ceux obtenus pour les autres langues romanes. Nous pouvons en effet remarquer que le portugais a été significativement moins bien ’identifié’ que l’italien (t=2.937, p=0.0085), l’espagnol (t=3.540, p=0.0022) ou le français (t=5.594, p<0.0001). Il en est de même pour le roumain qui a été à son tour significativement moins bien reconnu que l’italien (t=3.454, p=0.0027), l’espagnol (t=3.758, p=0.0013) et surtout, le français (t=5.403, p<0.0001). Par ailleurs, le français, langue maternelle, a été mieux reconnu que l’espagnol (t=3.758, p=0.0013) et l’italien (t=3.329, p=0.0055). Pour ce qui est du portugais, il semble que la difficulté de reconnaissance demeure même si la tâche expérimentale est différente. Ce résultat rejoint celui obtenu en discrimination par les populations française et roumaine et surtout par la population japonaise. Nous pensons qu’une explication de ce type de résultat pourrait être trouvée dans la stratégie différente de catégorisation que le traitement du stimulus Portugais/Portugais demande aux sujets. Ainsi, étant donné que la non-familiarité avec cette langue des trois populations ci-dessus exclue la possibilité d’une catégorisation grâce aux acquis linguistiques antérieurs, il ne reste aux sujets que d’écouter les signaux qui forment le stimulus. Il est donc possible que les deux signaux en portugais soit suffisamment différents en termes de caractéristiques acoustiques pour que les Japonais traitent le stimulus comme une paire de langues de type AB (voir Chapitre 3) et que les autres populations aient des difficultés de reconnaissance, comme nous pouvons le voir ici grâce aux résultats des Français. De plus, cette difficulté persiste dans les deux tâches expérimentales différentes (i.e., de discrimination et de jugement de similarité).

Enfin, l’espagnol et l’italien ont bénéficié d’un traitement analogue, puisque la différence entre les deux taux obtenus pour ces langues n’est pas statistiquement significative. Par ailleurs, ce résultat confirme les observations faites lors du chapitre précédant au cours duquel nous avons pu voir à travers une tâche expérimentale différente que les réactions des sujets français vis-à-vis de ces deux langues avait été plutôt homogènes.