4.4.1.4 Discussion

Arrivés au terme de ce sous-chapitre, les résultats de la population française nous permettent premièrement d’affirmer la cohérence des données obtenues par la tâche de jugement de similarité avec celles obtenues avec le test de discrimination, de la manière suivante.

Tout d’abord, il s’agit de l’influence de la langue maternelle et du rôle de la familiarité antérieure avec les langues romanes. Le résultat obtenu par le jugement de similarité montre que les résultats issus de la tâche de discrimination n’étaient pas seulement la conséquence des conditions de test. En d’autres termes, le regroupement linguistique implicite obtenu suite à la discrimination des langues a pu être validé ici par un jugement conscient des proximités sonores entre les idiomes néo-latins. Par ailleurs, ce regroupement prouve qu’il est non seulement la conséquence de la familiarité des Français avec certaines langues romanes, mais aussi celle de la similarité sonore qui existe entre ces langues.

Ensuite, les données obtenues pour les paires de type AA aboutissent à une configuration quasi-analogue à celle obtenue pour les mêmes paires avec la tâche de discrimination. Cette configuration montre que, d’une part, les langues familières (français, espagnol et italien) sont les mieux reconnues et, d’autre part, les langues moins connues (portugais, roumain) soulèvent des problèmes d’identification. Quant aux stimuli comportant deux signaux de langues différentes (type AB), le test de jugement de similarité a permis aux auditeurs de ’transformer’ en évaluations délibérées les confusions opérées involontairement lors de l’expérience de discrimination. En effet, l’analyse des taux de similarité et la MDS vont dans le même sens que les pourcentages de réussite de la tâche de discrimination.

Le second résultat de cette première partie expérimentale concerne la classification perceptive des langues romanes. Nous avons pu voir qu’avec la tâche de jugement de similarité nous obtenons les mêmes regroupements des langues qu’avec la tâche de discrimination. Il s’avère donc que, pour les Français, les langues romanes qui se ressemblent le plus et qui sont les plus difficiles à séparer sont l’espagnol et l’italien, d’une part, et le portugais et le roumain, d’autre part. Bien évidemment, le français est à l’écart de toute confusion ou ressemblance linguistique.

Enfin, ce résultat va dans le sens des résultats de Stockmal, Muljani & Bond (1996) et de Stockmal & Bond (1999) qui, eux aussi, avaient mis en évidence des regroupements linguistiques basés à la fois sur la familiarité avec les langues et sur le partage de certains traits linguistiques communs entre les langues. Ainsi, cela confirme que la catégorisation perceptive des langues peut reposer non seulement sur des critères non-linguistiques, comme la familiarité avec les idiomes présentés durant le test, mais également sur des critères linguistiques. Pour ces derniers, la similarité peut se trouver dans certains patterns rythmiques comme pour Stockmal & Bond (1999) ou dans les différences structurelles des systèmes vocaliques, comme dans le cas de nos données.

Dans la section suivante nous allons vérifier la généralité du regroupement linguistique obtenu jusqu’ici. À cette fin, la même expérience est appliquée à une population anglophone.