4.4.2.3 Les distances perceptives

Les scores de similarité obtenus chez les sujets américains ont reçu une représentation plane (D1/D2).

Cette représentation a été obtenue à partir de la matrice des distances suivante (voir la méthodologie dans la section 4.4.1.3.)

Tableau 27 : Matrice des distances perceptives établies entre les langues romanes par les sujets américains.
Espagnol Français Italien Portugais Roumain
Espagnol 179 94 145 129 119
Français 96 174 92 132 104
Italien 133 100 169 117 121
Portugais 104 116 114 116 119
Roumain 116 97 107 106 136

La proportion de la variance expliquée par les dimensions est la suivante. La première dimension explique 72,74% de la variance, cela signifiant que les données trouvent leur meilleure configuration selon le premier facteur. Ensuite, la deuxième et la troisième dimension expliquent, respectivement, 17,24% et 0,33% de la variance.

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Figure 44 : Proportion de la variance expliquant la distribution des données des sujets américains selon les cinq premières dimensions.

Nous allons représenter les données selon les deux premières dimensions (plan D1/D2).

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Figure 45 : Représentations des distances perceptives entre les langues romanes selon le plan D1/D2 pour les résultats des sujets américains.

La distribution des données dans le plan D1/D2 montre une cohérence évidente avec les ’cartes perceptives’ obtenues par la tâche de discrimination pour les Français, les Roumains et pour les Américains et avec celle de Français pour la tâche de jugement de similarité.

Ainsi, deux regroupements linguistiques principaux sont obtenus selon la première dimension : {espagnol, italien} vs. {portugais, français}. Le roumain semble être à mi-chemin entre les deux groupes, car cette langue a un statut quasi-indifférent à la dispersion des cinq idiomes selon la D1 dans le plan D1/D2 (elle se trouve sur l’axe). Cette configuration est due à la proximité que les auditeurs américains ont établi entre le français et le portugais. Par ailleurs, la configuration de la ’carte perceptive’ ainsi obtenue va dans le sens des résultats mis en valeurs par le test de discrimination linguistique, où les confusions systématiques entre l’italien et l’espagnol, d’une part, et entre les trois autres langues romanes (surtout entre le roumain et le portugais) d’autre part, avaient engendré une représentation des données comparable. La différence est fournie par les distances entre le roumain, le portugais et le français. Le test de discrimination nous a permis de constater que l’absence d’exposition antérieure au roumain et au portugais avait entraîné des confusions importantes entre les deux langues. En revanche, le jugement de similarité met en évidence un effet légèrement nuancé qui prouve que si une proximité existe entre le roumain, le français et le portugais, elle est plutôt forte entre les deux dernières langues que la proximité obtenue par la tâche de discrimination. Enfin, la dispersion des langues d’après la première dimension nous permet également d’appuyer l’hypothèse selon laquelle un parallélisme existe entre la classification typologique basée sur la complexité des systèmes vocaliques et la classification perceptive. Cette hypothèse est soutenue par les regroupements linguistiques que nous avons pu mettre en évidence dans le premier chapitre de ce travail.

En revanche, la deuxième dimension (D2) semble aussi faire état de l’effet de familiarité déjà révélé par la tâche de discrimination. Ainsi, les langues plutôt familières, l’espagnol et le français, sont isolées des langues moins familières, le roumain et le portugais. L’italien est quasi indifférent à la distribution, car il se trouve sur l’axe.