4.4.2.4 Discussion

À la fin de cette seconde partie consacrée aux réponses de la population américaine, nous sommes en mesure de conclure sur la cohérence des résultats présents aussi bien avec les résultats de la population précédente, qu’avec ceux mis en évidence par la tâche de discrimination. Enfin, nous pouvons généraliser les issues théoriques mises en évidence auparavant, dans la mesure où les données montrent que la classification perceptive des langues est quasi-indépendante des acquis linguistiques des populations de test. Ainsi, les regroupements des langues obtenus chez les Américains sont quasi-identiques à ceux obtenus chez les Français. Ces regroupements explicites confirment partiellement ceux implicites obtenus avec la tâche de discrimination chez les Français, chez les Roumains et chez les Américains.

La cohérence du résultat avec ceux obtenus par l’expérience de discrimination se manifeste tout d’abord à travers le rôle de la familiarité avec les langues qui est responsable des scores de similarité pour les stimuli de type ’même langue’. Ainsi, le français, l’espagnol et l’italien sont statistiquement mieux ’reconnues’ et donc évaluées à des points supérieurs de l’échelle, comparés au roumain et au portugais, qui sont des langues mal connues. Un effet identique fait que la seconde dimension révélée par la MDS correspond au critère [+/- familiarité], car les langues plutôt connues, comme le français et l’espagnol, sont isolées des langues moins connues, à savoir le roumain et le portugais. Enfin, le dernier facteur de cohérence est lié à la dispersion linguistique selon la dimension liée aux traits linguistiques caractéristiques des deux groupes obtenus. Ainsi, le résultat dû à des confusions involontaires entre les langues de la famille romane est vérifié par celui qui dépend cette fois du jugement sur leur similarité perceptive.

En même temps, les scores de ressemblance fournis par la population américaine vont tout à fait dans le sens des évaluations faites par la population précédente. Cela permet d’aboutir à une (presque) même ’cartographie perceptive’, qui, bien évidemment, isole deux groupes linguistiques principaux, à savoir : espagnol, italien vs. roumain, portugais, français. Toutefois, les rapports inter-langues s’avèrent sensiblement modifiées. Si l’espagnol préserve sa ressemblance incontestable avec l’italien, en revanche dans le second groupe, c’est surtout le français et le portugais qui se ressemblent. Ce résultat s’explique par l’absence du facteur ’langue maternelle’ qui avait exclu toute évaluation de la similarité perceptive du français avec les autres langues romanes chez les Français. En revanche, chez les Américains cette évaluation est possible et leurs résultats montrent que le français ressemble au portugais.

Finalement, les données présentées dans cette partie confortent l’hypothèse sur l’équivalence des deux classifications, typologique et perceptive des langues. Ainsi, nous nous trouvons devant une convergence évidente entre la manière dont les auditeurs naïfs évaluent les proximités perceptives entre les langues latines et les proximités établies par les linguistes en fonction des particularités structurelles de ces idiomes. Enfin, nos résultats sont cohérents avec ceux de Stockmal, Muljani & Bond (1996) et de Stockmal & Bond (1999), car ces effets liés à la familiarité avec les langues et aux critères linguistiques dans l’obtention des regroupements linguistiques sont à nouveau observés.