5.4.2 vers une valorisation des indices consonantiques

Un second volet de recherche porte sur le niveau segmental consonantique. Nous avons pu voir que le continuum consonantique rend difficile une taxinomie qui s’appuie sur des critères relevant de ce niveau et que l’expertise perceptive n’est pas très révélatrice. Cependant les étapes d’évaluation par les sujets de leurs stratégies de discrimination, où l’on a demandé aux auditeurs de trois populations (français, roumains et japonais) de décrire les indices qu’ils ont utilisés pour la discrimination, amènent à penser que les indices vocaliques ne sont pas les seuls à être valorisés. Nous estimons que deux démarches pourraient mettre en valeur le poids de l’information consonantique dans la discrimination des langues romanes.

Une première démarche, de type descriptif, consiste en une meilleure description des aspects controversés du consonantisme de chacune des langues romanes. À titre d’exemple, il nous semble intéressant de continuer la recherche sur la labialisation allophonique en roumain. S’agit-il réellement d’un effet général de labialisation de certains (ou de tous les) segments consonantiques dans l’environnement vocalique central et postérieur ou d’un simple effet de coarticulation contextuelle ? Si la labialisation existe, elle est un phénomène particulièrement saillant de par sa manifestation acoustique (Ladefoged & Maddieson, 1996) et sa fréquence dans les systèmes consonantiques des langues du monde. Le roumain occuperait une place singulière parmi les langues romanes, puisque ce trait contribuerait à l’augmentation de l’écart par rapport au consonantisme pan-roman. Par ailleurs, il déterminerait un rapprochement de ses voisins géographiques slaves.

La seconde démarche au sujet de ce volet touche à l’expertise perceptive ayant comme but de circonscrire le traitement que les auditeurs réservent aux différents particularismes consonantiques mis en évidence par les langues néo-latines. Nous pensons que des protocoles expérimentaux articulés autour de stimuli en parole modifiée, de sorte que le discriminant vocalique principal soit éliminé, pourraient rendre compte du rôle différenciateur de certains segments ou traits consonantiques. Cet axe de recherche comblera par ailleurs un manque de données, car le bilan que nous avons présenté dans le premier paragraphe a montré que ce niveau linguistique n’a guère été pris en compte jusqu’à présent.