1.1.3. Une conception largement répandue de la MDT : le modèle de Baddeley (1974, 1986)

Dès 1974, Baddeley et Hitch ont proposé une définition de la MDT selon laquelle «the core of the working memory system consists of limited capacity ‘work space’ which can be divided between storage and control processing demands.». D’après cette définition, la MDT (figure 1.3.) est un système de ressources attentionnelles doté d’une structure et d’un mode de fonctionnement propres permettant l’exécution d’un traitement, simultanément au stockage des informations utiles à ce traitement.

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Fig. 1.3.— Représentation schématique du modèle de MDT d’après Baddeley (1986)

Ce modèle hiérarchique s’appuie sur une conception classique selon laquelle les processus de traitement opèrent sur les représentations maintenues dans des espaces de stockage. La fonction de maintien temporaire et de manipulation de l’information s’effectue dans la limite des capacités de traitement disponible et s’exerce par l’intermédiaire de trois composantes distinctes correspondant à deux systèmes dits « esclaves » et un administrateur central. Les deux premières composantes correspondent à la boucle phonologique qui maintient temporairement actives les informations verbales, et au calepin visuo-spatial qui assure le stockage à court terme de l’information spatiale et visuelle. Leur activité est coordonnée par l’administrateur central dont le fonctionnement sera assimilé par Baddeley à un système attentionnel de capacité limitée responsable des traitements contrôlés et des stratégies d’exécution.

La MDT est considérée aujourd’hui comme un système nécessaire à l’exécution d’un grand nombre d’activités impliquant le stockage et le traitement de l’information. Elle serait engagée dans l’activité de lecture (Cantor et Engle, 1991; Just et Carpenter, 1992), le calcul mental (De Rammelaere, Stuyen et Vandierendonck, 1999; Ehrenstein, Schweickert, Choi, et Proctor, 1997; Logie, Kenneth et Wynn, 1994; Riddoch, et Humphreys, 1995.), la compréhension des relations spatiales (Farrand et Jones, 1996 ; Robbins, Anderson, Barker, Fearnyhough, Henson, Hudson et Badelley, 1996), la mise à jour de l’information (Morris et Jones, 1990 ; Van der Linden, Brédart, et Beerten, 1994) ou encore la formation de pensées intrusives (Teasdale, Dritschel, Taylor, Proctor, Llyod, Nimmo-smith et Baddeley, 1995; Teasdale, Proctor, Llyod et Baddeley, 1993).

Le modèle de Baddeley et Hitch (1974) repose sur la métaphore spatio-temporelle supposant l’existence, à l’intérieur du système cognitif, d’espaces dévolus au stockage et au traitement de l’information symbolique (Barrouillet, 1996). Dès 1986, Baddeley a fait évoluer cette conception en envisageant l’administrateur central comme un pôle attentionnel caractérisé par des capacités d’activation et d’inhibition (Norman et Shallice, 1980, 1986 cités dans Shallice, 1995). Le modèle de Baddeley (1986) se situe alors à mi-chemin entre la métaphore spatio-temporelle et la métaphore énergétique laquelle met l’accent sur les processus d’activation et d’inhibition. Ici le traitement de l’information en MDT suppose un stockage temporaire sous forme d’activation, limitée dans le temps, d’une partie de la MLT.

Les caractéristiques des composantes de stockage et de traitement de l’information verbale seront détaillées plus loin dans ce chapitre puis étudiées dans la partie expérimentale. En revanche, n’étant pas directement impliqué dans les paradigmes utilisés, le calepin visuo-spatial ne sera pas abordé dans le détail. Notons qu’il fait actuellement l’objet d’un nombre croissant de recherches alors qu’il est resté longtemps inexploré du fait de la complexité des techniques à utiliser pour l’isoler des autres instances. Selon Baddeley (1992a), il serait lié au processus de perception visuelle et d’action. Une épreuve classique supposée le mettre en jeu est le rappel de séquences d’énoncés décrivant des déplacements sur une matrice de 4×4 carrés (Baddeley et Lieberman, 1980, cités dans Ehrlich et Delafoy, 1990). Cette tâche exige en effet l’utilisation d’un codage spatial de la configuration décrite, à l’intérieur d’une matrice, par les énoncés. La démarche adoptée pour étudier les caractéristiques du calepin visuo-spatial est inspirée des méthodes d’interférences utilisées pour mettre en évidence les effets spécifiques à la boucle phonologique. L’hypothèse sous-jacente est que l’architecture fonctionnelle des deux systèmes esclaves est relativement similaire.