1.1.4.4. Le modèle de Cowan (1988, 1993, 1998)

Cowan (1988) propose un modèle alternatif du traitement de l’information en s’appuyant sur une représentation globale du décours dynamique des transformations de l’information plutôt que sur une représentation structurelle en termes de stocks. Il aborde ce qui est essentiel pour le fonctionnement de la MCT en omettant volontairement la description de sous-systèmes spécialisés, car il suppose l’existence d’un système de stockage commun où les éléments sont activés en fonction de leurs propriétés.

Dans ce modèle, le stimulus accède à un stock sensoriel où ses caractéristiques sont préservées. Dans le même temps, l’information en MLT est activée. Le stock à court terme assure le codage du stimulus et le maintien des codes activés en MLT. Selon que le contenu du stock à court terme soit familier ou nouveau, il demeure hors du champ de la conscience ou bien sollicite l’attention du sujet. Dans le cas où l’information requiert une prise en charge par les processus attentionnels parce qu’elle n’a pas encore fait l’objet d’une habituation, elle atteint le focus attentionnel pour être placée sous le contrôle de «l’exécuteur central». Celui-ci permet de diriger les processus attentionnels et assure la récupération des informations contenues en MLT. Le focus attentionnel constitue donc la part active de la MDT sur laquelle «l’exécuteur central » exerce ses fonctions de sélection, de maintien et de récupération des informations.

Pour Cowan (1993), la MCT est un système hiérarchique où les représentations activées en MLT sont dissociées de celles prises en charge par le focus attentionnel. Les représentations activées en MLT restées hors du focus attentionnel sont néanmoins disponibles au cas où l’attention se porterait sur elles. Ainsi, le contenu du focus est un sous-ensemble de ce qui est activé en mémoire. Cette conception hiérarchisée (figure 1.6.) suppose que les caractéristiques des informations du focus attentionnel soient distinctes de celles activées en dehors de celui-ci. Cowan (1993) utilise la métaphore neurologique pour définir le phénomène d’activation comme un patron spatio-temporel de l’activité cognitive qui renvoie à l’activation et à l’inhibition de l’information nerveuse. Comme Baddeley, Cowan (1993) envisage le rôle de l’activation d’une information sous la forme d’une séquence d’unités activées temporairement qui déclinent naturellement si un mécanisme de rafraîchissement n’intervient pas pour les réactiver. Les caractéristiques de ce mécanisme de rafraîchissement ont été illustrées avec l’effet de longueur du mot qui a suggéré à Baddeley que la longueur des mots était un facteur capable de ralentir le rafraîchissement. Selon Baddeley (1983), il existe une relation linéaire entre l’empan mnésique et la rapidité avec laquelle un sujet peut prononcer une liste de mots. La vitesse d’articulation permettrait d’estimer cette rapidité de répétition sub-vocale des mots, qui détermine à son tour le nombre de représentations phonologiques pouvant être maintenues actives simultanément dans le stock phonologique.

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Fig. 1.6.— Représentation schématique du système de mémoire de Cowan (1988) : la MCT est la portion active de la MLT et aux informations du focus attentionnel.

Cowan, Day, Sault, Keller, Johnson et Flores (1992, cités dans Cowan, 1993) ont étudié cet effet de longueur du mot du point du vue de la durée de la restitution orale pour mieux comprendre le rôle de l’activation et de l’attention dans les tâches de MCT. Ils ont observé qu’en fonction du temps nécessaire pour répéter un mot d’une liste, la mémoire pour les autres mots de la liste avait tendance à décliner. Autrement dit, l’activation en mémoire déclinait régulièrement au cours de la restitution des items. Cette observation semblait cohérente avec l’hypothèse de vitesse de répétition selon laquelle la période de déclin de l’information s’étend sur un délai de quelques secondes (2,5) au-delà duquel la perte des items est inévitable (Baddeley, 1986). Toutefois, pour Cowan (1993), cette explication demeurait insuffisante parce qu’elle ne rendait pas compte des contraintes liées à la durée de répétition d’une séquence entière d’items. Une explication alternative des effets liés à la durée de rétention des items en MCT est que la prononciation d’un mot mobilise l’attention (focus attentionnel) et favorise alors le déclin des autres mots de la séquence. Une manière d’atténuer ce déclin est de réactiver chacun des items au cours de la restitution orale. Ce processus de réactivation interviendrait dans l’intervalle de temps entre le rappel de chaque item. L’hypothèse d’une MCT dotée d’un mécanisme de réactivation cyclique des items a été validée dans l’étude conduite par Cowan et coll. (1992, cités dans Cowan, 1993). Cette hypothèse implique que la durée de l’énonciation de la longueur de l’empan au rappel n’a pas besoin d’être corrélée avec l’empan car elle dépend de la vitesse de réactivation des items. Cette hypothèse met également l’accent sur l’interaction entre les processus d’activation et de déplacement de l’attention dans le fonctionnement de la MCT.

Une étude complémentaire de Cowan, Wood, Wood, Keller, Nugent et Keller (1998) a permis de montrer que l’empan mnésique reposait non seulement sur la répétition sub-vocale mais également sur des processus de récupération de l’information (réactivation) en MCT. Les données ont par ailleurs montré que les performances relatives à la répétition sub-vocale n’étaient pas corrélées à celles qui sous-tendaient les processus de récupération en mémoire. Cela suggère que la répétition sub-vocale et la récupération en mémoire contribuent toutes deux à la qualité de l’empan mnésique mais constituent chacune un mécanisme indépendant sous-jacent au fonctionnement de la MDT. Le rythme de répétition articulatoire rendrait compte de l’efficience des opérations propres à la boucle phonologique alors que la stratégie de réactivation des items en présence d’une charge mnésique refléterait davantage l’efficacité de l’exécuteur central (Cowan et coll., 1998).