1.1.4.5. Le modèle d’Engle (1990, 1993, 1994)

À partir d’une série d’expériences visant à étudier les capacités de la MDT en compréhension du langage, Engle (1986, 1989, cité dans Cantor et Engle, 1993) puis La Pointe et Engle (1990) ont suggéré que l’empan simple (capacité stockage MCT) et complexe (capacité stockage et traitement MDT) n’étaient pas fondamentalement différents dans ce qu’ils mesuraient car ils semblaient rendre compte des performances de lecture de manière non spécifique. Une autre étude réalisée par Engle, Cantor et Carullo (1992, cités dans Cantor et Engle, 1993), a permis de montrer que les différences individuelles en compréhension du langage provenaient moins de l’efficacité des processus de traitement que de la quantité d’activation disponible en MDT pour la récupération de l’information en MLT. Engle a alors suggéré que la MDT était dotée de capacités générales non spécifiques.

Cette vision qui s’inscrit dans une approche énergétique proche du modèle d’Anderson (1983), a conduit Engle, Cantor et Carullon (1992, cités dans Cantor et Engle, 1993) à développer un modèle de capacité de la MDT. Ce modèle, proche des théories avancées par Anderson (1983, cité dans Conway et Engle, 1994), Schneider et Detweiler (1987) et Cowan (1988), vise à rendre compte des différences individuelles dans le cadre d’activités comme la compréhension de texte pour laquelle la MDT est largement mise à contribution.

Le modèle suppose l’existence d’une ressource unique de traitement mobilisée chaque fois que l’information en MLT activée au-delà d’un certain seuil est maintenue temporairement en MDT. Comme dans le modèle ACT* d’Anderson, l’activation est une ressource limitée qui se propage automatiquement dans un réseau formé de concepts reliés. Lorsque le niveau d’activation d’un concept atteint son seuil critique, il devient disponible et peut alors faire l’objet de traitements variés. Cet état d’activation n’assure pas nécessairement l’accès à la conscience ou au focus attentionnel. Il permet simplement à l’information d’être active afin que les processus de traitement opèrent sur elle. Un traitement ne s’opère que si toutes les connaissances nécessaires à son déroulement atteignent le niveau critique d’activation. Pour se réaliser, le traitement nécessite une demande d’activation supplémentaire qui consiste à maintenir disponible les productions partielles ou finales des traitements ainsi que les buts liés à la procédure en cours. Une autre caractéristique du modèle est que la quantité limitée de ressources allouée à l’activation des concepts interconnectés en MLT (dont le niveau d’activation ne dépasse pas le seuil critique d’activation en MDT), détermine le nombre de concepts qui peuvent être actifs au-dessus du seuil en MDT. Autrement dit, la quantité d’activation limitée en MLT détermine directement la capacité de la MDT. Cantor et Engle (1993) apportent un argument en faveur de cette hypothèse en montrant que le temps de récupération de l’information en MLT (« fan effect ») est en étroite relation avec la taille de l’empan de lecture en MDT.

Enfin, dans une étude visant à comprendre comment les différences individuelles de capacité en MDT affectent la récupération en mémoire primaire et secondaire, Conway et Engle (1994) ont révisé leur modèle en montrant que la capacité dépendait davantage de processus d’inhibition volontaires, lesquels permettent de supprimer des éléments non pertinents activés automatiquement et dépendent des ressources disponibles du système. En cela, ce modèle s’apparente à l’administrateur central de Baddeley (1986) conçu comme un système attentionnel assurant l’inhibition des informations superflues ainsi que l’activation et le maintien des informations relatives à la tâche.