1.2.1.4. L’effet de la longueur du mot

Le fait que le rappel de mots monosyllabiques soit plus facile qu’un rappel de mots polysyllabiques suggère que l’empan mnésique est déterminé par la durée de prononciation des items présentés (Baddeley, Thomson et Buchanan, 1975, cités dans Baddeley, 1993a). Le facteur déterminant correspondrait effectivement à la durée de prononciation plutôt qu’au nombre de syllabes car la comparaison des performances au rappel entre des mots de deux syllabes ayant soit une prononciation lente, soit une prononciation rapide, montre que les premiers produisent un empan plus court que les seconds. La réduction de l’empan associée à l’effet de longueur du mot rendrait compte du fait que des mots longs qui prennent plus de temps pour être prononcés empêchent la trace mnésique des mots précédents de bénéficier d’une récapitulation articulatoire, ce qui aurait pour conséquence de les effacer. Baddeley et coll. (1975, cités dans Baddeley, 1993a) ont étudié plus finement le paramètre de vitesse d’articulation et ont montré que la relation entre la durée totale de prononciation et la probabilité de rappel correct formait une ligne droite (figure 1.8.). Ces données ont suggéré que l’empan mnésique correspondait au nombre d’éléments, de quelque longueur qu’ils soient, pouvant être prononcés en 2 ou 2,5 secondes. Le nombre d’items rappelés serait donc fonction du temps d’articulation sub-vocale.

Néanmoins, cette hypothèse de déclin rapide a été remise en cause par l’étude de Richardson, Longoni et Di Masi (1996) où des sujets devaient effectuer un rappel sériel de mots similaires ou non phonologiquement, avec des délais de rétention variables (0 ou 10s) occupés ou non par une activité de suppression articulatoire. Les résultats de cette expérience montrent que l’effet de similarité phonologique subsiste jusqu’à un délai de rétention égal à 10 secondes pendant lequel l’utilisation de la répétition articulatoire est entravée par l’activité de suppression articulatoire. Autrement dit, cela suggère que le code phonologique de l’information est maintenu au-delà d’un intervalle de temps de 2 secondes.

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Fig. 1.8. — Relation approximative entre vitesse de lecture et rappel observé par Baddeley & coll. (1975, cité dans Baddeley, 1993a)

Par ailleurs, une série d’expériences conduite par Caplan, Rochon et Waters (1992) sur les déterminants articulatoires de l’effet de longueur du mot dans une tâche d’empan montre que l’effet de longueur du mot n’apparaît pas lorsque des mots possédant un nombre de syllabes et de phonèmes équivalent, diffèrent par la durée et /ou la complexité de leurs gestes articulatoires. Autrement dit, quand les mots ont le même nombre de phonèmes, ni leur durée d’articulation ni la complexité d’articulation associées à leur production n’affectent les performances en tâche d’empan. Pour Caplan et coll. (1992), ces données montrent que c’est la structure phonologique du mot, et non les caractéristiques articulatoires, qui détermine la valeur des effets de longueur du mot à une tâche d’empan. Des résultats antérieurs (Bishop et Robson, 1989) suggèrent en même temps que les effets de longueur du mot reposent principalement sur des mécanismes de planification des formes phonologiques. La mesure des performances de mémorisation à une tâche d’empan de patients atteints d’un haut niveau de perturbation articulatoire touchant spécifiquement leur capacité à planifier les gestes moteurs du langage, met en évidence une perte de l’effet de longueur du mot en modalités visuelle et auditive. En comparaison, d’une part avec des performances normales d’empan, et d’autre part des effets de similarité phonologique et de longueur du mot normaux de patients atteints d’une perturbation de l’articulation, cela suggère que les mécanismes de répétition utilisent les processus de planification du langage qui spécifient les gestes articulatoires, et non les gestes articulatoires eux-mêmes.