1.3.5. Données issues de la neuropsychologie

Des études en neuropsychologies tendent à montrer que les déficits des fonctions exécutives sont associés à des lésions frontales (Shallice, 1982, 1988, cité dans Baddeley, 1996). Ces syndromes constituent des données importantes pour l’étude des activités de contrôle de haut niveau, lesquelles sont impliquées, selon Luria (1973, cité dans Gaonac’h & Larigauderie, 2000) dans l’intention d’agir, l’élaboration des plans et le contrôle de l’efficacité de l’action orientée vers un but . En effet, la région frontale est reconnue pour être impliquée dans la coordination de divers éléments d’une activité complexe orientée vers un but. Par exemple, l’observation des performances de sujets frontaux à des tâches «artificielles» ou «écologiques» met en évidence des troubles de la programmation, de la régulation et du contrôle de l’activité (Shallice, 1995; Miotto et Morris, 1998). Dans une série d’expériences Wiegersma, Van Der Scheer, et Hijman (1990) ont étudié les performances de patients frontaux à des tâches requérant soit la rétention passive de chiffres, soit la recherche et la comparaison d’items présentés auditivement ou d’items devant être produits et organisés spontanément de manière orale ou motrice. Comparativement aux sujets contrôle, les frontaux témoignent d’un déficit important pour les tâches requérant une production orale ou motrice spontanée et organisée de l’information. Cela suggère que la lésion frontale affecte les processus de sélection pour la production spontanée d’informations organisées. Selon Wiegersma et coll. (1990) ces résultats mettent en évidence un déficit attentionnel chez les patients frontaux.

Parmi les fonctions de contrôle du lobe frontal, les mécanismes d’inhibition tiennent une place importante. Des études en neuropsychologie (Peret, 1974; Milner, 1963; Van der Linden, Bruyer, Roland, et Schills, 1993; Burgess et Shallice, 1996; Andrés et Van der Linden, 1996, 1997, cités dans Andrés et Van der Linden, 1998) ont utilisé des tests classiques d’inhibition (Stroop, Wisconsin, interférence proactive AB-AC, test de Hayling, tâche d’oubli dirigé à court et à long terme), pour vérifier si des patients frontaux présentaient des déficits d’inhibition. Les données se révèlent discordantes et font parfois l’objet d’interprétations divergentes. Pour Andrés et Van der Linden (1998), ces fonctions ne sont pas uniquement sous-tendues par le cortex frontal mais plutôt par un réseau cortico-sous-cortical plus diffus. Selon, Baddeley (1994, 1996) la localisation anatomique n’offre pas des critères de définition suffisants de l’exécuteur central car sa complexité et l’étendue de l’implication des lobes frontaux ne permettent pas d’établir une corrélation parfaite entre eux.

Une illustration de la complexité des implications de l’exécuteur dans des déficits frontaux est l’observation des performances de MDT du patient A.M., cérébro-lésé au niveau de la région fronto basale et périventriculaire frontale gauche (Van der Linden, Coyette et Seron, 1992). Les tests cliniques n’ont révélé aucun déficit de la MLT, des fonctions attentionnelles, du langage ou de la perception. En revanche, A.M. montrait une réduction de l’empan et une diminution de l’effet de récence en présentation visuelle. L’examen du fonctionnement de la boucle phonologique. a démontré que le stockage phonologique et le mécanisme de contrôle articulatoire étaient opérationnels. La poursuite des investigations en situation d’attention divisée avec stockage de l’information a révélé une réduction des ressources de l’exécuteur central qui n’affectait pas le traitement des informations mais leur stockage. S’inspirant de l’hypothèse de Vallar et Baddeley (1983 cités dans Van der Linden et coll., 1992) selon laquelle le centre exécutif est aussi responsable du maintien et de la répétition de l’information, Van der Linden et coll. (1992) ont expliqué les performances d’A.M. comme relevant d’une stratégie d’adaptation consistant à allouer la faible quantité de ressources disponibles au traitement de l’information plutôt qu’au stockage. Cette interprétation s’inscrit dans une perspective de fractionnement des capacités de l’exécuteur central.

Enfin, une autre difficulté liée à l’étude des lésions frontales est le fait que les tests cliniques ne rendent pas toujours compte de certains déficits chez des sujets frontaux qui présentent d’importants troubles de la prise de décision et de la planification dans leur vie quotidienne (Shallice et Burgess, 1991 ; Damasio, 1995).