1.3.6. Données issues de l’imagerie cérébrale

À l’aide de la technique T.E.P., Jonides, Lauber, Smith, Awh, Minoshima et Koeppe (1997) ont étudié les effets de la variation d’une charge mnésique en MDT sur l’activation cérébrale. Ils ont utilisé la tâche «n-back»pour mobiliser simultanément les processus de stockage et de manipulation de l’information verbale. Les sujets devaient décider pour chaque lettre de la série, si elle coïncidait ou non avec celle présentée n fois auparavant. Les résultats ont montré que l’augmentation de la valeur du n entraînait un accroissement de l’activation des régions impliquées dans le stockage (cortex pariétal postérieur), la répétition sub-vocale (cortex prémoteur), l’inhibition (cortex préfrontal dorsolatéral) et l’attention (cortex pariétal). L’élévation de la charge n’entraînait donc pas le recrutement de régions supplémentaires mais augmentait l’activité de celles déjà impliquées, suggérant la mobilisation de ressources plus importantes. Cela soutenait l’idée que les processus de stockage et de traitement contrôlés recrutent un réseau distribué de régions cérébrales. En répliquant ces données, Smith et Jonides (1997) ont soutenu l’idée que les variations d’activation dans diverses tâches de MDT pouvaient s’expliquer parce que les mêmes composantes étaient mobilisées à des degrés différents. Leur examen par I.R.M.f. de la durée d’activation des régions impliquées dans le maintien (région pariétale postérieure), la répétition sub-vocale (région de Broca) et la mise à jour des informations verbales (région préfrontale dorsolatérale) au n-back span en fonction d’une charge mnésique donnée, a révélé que l’augmentation du degré d’activation impliquait non seulement un accroissement de l’intensité de l’activité cérébrale, mais un allongement de la durée des traitements. Par ailleurs, la région préfrontale dorsolatérale était activée lors du maintien d’une charge mnésique notable dans les temps inter item, indiquant que des processus exécutifs étaient responsables de la mise à jour et du maintien de l’information. Ces données confortent donc l’idée d’une implication de l’exécuteur central pour le contrôle des mécanismes de répétition et de maintien de l’information.

Les bases neurologiques de l’exécuteur central ont été étudiées par d’Esposito, Detre, Alsop, Shin, Atlas et Grossman (1995) avec la technique I.R.M.f. Leur étude visait à examiner l’activation du cerveau lors d’une double tâche consistant à exécuter simultanément une tâche de jugement sémantique et de rotation spatiale. Leur hypothèse était que les régions cérébrales activées lors de la double tâche correspondraient aux bases neuronales du système exécutif de la MDT. La comparaison entre l’activité cérébrale en situation de double tâche et celle observée en situation de simple tâche a montré que la double tâche provoquait une augmentation significative de l’activation bilatérale dans le cortex préfrontal dorsolatéral. En revanche, quel que soit son niveau de difficulté, la simple tâche ne mobilisait pas le cortex préfrontal dorsolatéral suggérant que son recrutement n’est pas lié à l’accroissement de l’effort cognitif. Selon d’Esposito et coll. (1995) cela soutient l’hypothèse d’une implication spécifique du cortex préfrontal dorsolatéral dans une des fonctions principales du centre exécutif : la coordination des activités en MDT. Par ailleurs, d’Esposito et coll. (1995) ont observé l’activation du noyau cingulaire antérieur, responsable du partage attentionnel, simultanément au cortex préfrontal dorsolatéral. Cette implication concomitante en double tâche a suggéré à d’Esposito et coll. (1995) que le centre exécutif comportait probablement diverses composantes exécutives.

Dans une autre étude I.R.M.f. testant la spécialisation des régions dorsolatérale et ventrolatérale du cortex préfrontal pour le maintien ou le traitement de l’information verbale, d’Esposito, Postle, Ballard et Lease (1999) ont utilisé des tâches de rappel différé et de réorganisation alphabétique de lettres pour comparer l’activation des régions cérébrales en condition de maintien actif seul ou de manipulation. Ils ont montré que le maintien actif requis par les deux tâches engageait l’activité des régions dorsolatérale et ventrolatérale. L’activité de la région dorsolatérale était en revanche plus active en condition de manipulation. D’Esposito et coll. (1999) ont rejeté l’hypothèse d’un effort cognitif supplémentaire pour la manipulation car aucune augmentation non spécifique de l’activité cérébrale n’était observée. De plus, Barch (1997, cité dans d’Esposito et coll., 1999) a montré que la région dorsolatérale n’était pas sensible aux modifications de complexité de l’activité et n’était donc pas le siège d’allocation de ressources pour la manipulation. D’Esposito et coll. (1999) ont avancé l’idée que cette région pouvait être impliquée lorsque des processus exécutifs requis pour le rappel alphabétique (activation en MLT, stratégies de maintien et de mise en ordre,...) étaient engagés, soutenant ainsi l’idée d’une MDT non unitaire. L’étude T.E.P. de Salmon, Van der Linden, Collette, Delfiore, Maquet, Degueldre, Luxen et Franck (1996, cités dans d’Esposito et coll., 1999) a par ailleurs montré que le Running Span activait la région dorsolatérale du cortex préfrontal droit.

Wickelgren (1997) a étudié la question du réseau distribué des régions cérébrales impliquées dans les processus exécutifs de la MDT et a soutenu l’idée, défendue par Goldam-Rakic (cité dans Wickelgren, 1997), qu’il n’existerait pas un exécuteur central mais des systèmes parallèles assurant chacun la fonction de processeur central. La MDT requerrait ainsi la coopération entre des zones dispersées du cerveau, et la coordination de l’activité de ces régions serait assurée en partie par la région préfrontale.