Cette première étude s’appuie sur le modèle d’allocation de ressources attentionnelles et sur le modèle de MDT de Baddeley (1983 ;1992). L’expérience s’inscrit donc dans le cadre classique du modèle de traitement de l’information à capacité limitée. Elle doit permettre de tester deux hypothèses principales.
La première hypothèse postule qu’un état émotionnel suffisamment intense produirait une quantité substantielle de pensées non pertinentes par rapport à la tâche. L’apparition de pensées dont le contenu est lié à l’émotion correspondrait à une activité de recherche d’explications de l’état interne et aurait un caractère conscient (Wells et Matthews, 1994). Une telle production consciente de pensées non pertinentes mobiliserait une partie des ressources de traitement du système exécutif de la MDT (Rapee, 1993 ; Teasdale, Proctor, Llyod et Baddeley, 1993). Ainsi, la coexistence de l’état émotionnel et de l’activité cognitive s’apparenterait à une situation de double tâche qui conduirait à une compétition pour l’allocation des ressources de traitement.
Conformément à cette conception, notre seconde hypothèse est que la production de pensées non pertinentes associées à l’émotion détournerait les ressources de l’exécuteur central au détriment de la tâche. La faible allocation de ressources à la tâche de Running Span conduirait à une chute significative des performances, en particulier pour l’activité de mise à jour qui mobilise les processus exécutifs de la MDT.
Dans le cadre du modèle d’allocation des ressources de traitement, il est admis (Eysenck et Calvo, 1992 ; Humphreys et Revelle, 1990) que l’apparition d’une dégradation des performances est déterminée par l’intensité de l’état émotionnel et par les caractéristiques de la tâche cognitive. Les chances d’observer les effets de l’émotion augmenteraient avec le niveau de complexité5 de la tâche car le partage des ressources de traitement suffirait à diminuer la quantité importante des ressources requises par la tâche. Cela entraînerait alors une baisse significative des performances. En revanche, pour une tâche d’un faible niveau de complexité, la quantité réduite de ressources requise ne mobiliserait pas la totalité des ressources du système. Les ressources disponibles seraient donc allouées directement au traitement de l’information liée à l’état émotionnel sans inconvénient pour la tâche principale.
Partant de cette hypothèse, nous avons prévu deux niveaux de complexité correspondant à des charges mnésiques différentes pour optimiser les conditions d’apparition des effets de l’émotion.
Une distinction est faite entre la complexité et la difficulté de la tâche. Le niveau de complexité renvoie aux caractéristiques intrinsèques de la tâche alors que la difficulté désigne, du point du vue du sujet, l’effort cognitif mobilisé pour réaliser la tâche.