3.2. Hypothèses théoriques

Parce qu’elle mobilise les capacités simultanées de stockage et de manipulation de l’information verbale, cette nouvelle tâche recrute très vraisemblablement le système exécutif. Farrand et Jones (1996) ont montré que la différence de performances entre le rappel sériel et inversé d’items verbaux et spatiaux était indépendante des modalités de présentation ou de réponse, mais reposait sur des processus de récupération distincts. Leurs données ont révélé que lorsque les sujets devaient récupérer à la fois l’information sur les items et l’information d’ordre, le rappel inversé était moins bon que le rappel sériel. Pour Farrand et Jones, ce qui rend le rappel inversé plus difficile est probablement le nécessaire déploiement des ressources exécutives pour la réorganisation des items.

Bien qu’habituellement, le système exécutif est envisagé dans sa capacité à distribuer des ressources de traitement vers des opérations cognitives simultanées, on peut distinguer ce qui relève des ressources et ce qui touche aux opérations proprement dites. Cela permet d’envisager l’exécuteur central comme un système hybride où les ressources s’apparentent à un réservoir de capacités et à un ensemble d’opérations contrôlées qui sont le produit de processus d’activation et d’inhibition (Baddeley, 1986). Les multiples opérations engagées en MDT peuvent alors être considérées comme des processus distincts dont le programme d’action est piloté par l’exécuteur central. Au-delà d’une modélisation des phénomènes en termes d’allocation de ressources, on peut donc penser que les activités contrôlées en MDT se distinguent par le type des processus engagés et par le plan d’action adopté pour leur exécution.

Dès lors, notre première hypothèse est que les opérations sous-jacentes aux deux types de réorganisation alphabétique et inversée sont distinctes car chacune d’entre elles fait intervenir un processus d’ordonnancement spatial et temporel différent (Jonides, Schumancher, Smith, Lauber, Awh, Minoshima, et Koeppe, 1997). Aussi, le niveau de contrôle de ces opérations, c’est-à-dire le plan d’action sélectionné, n’est pas identique d’une réorganisation mentale à l’autre. L’engagement de processus exécutifs distincts devrait donc se traduire par des niveaux de performance différents.

Une seconde hypothèse est que le traitement dynamique en MDT, requis par la tâche de rappel, engendre un coût cognitif suffisamment important pour faire émerger des enjeux directement rattachés aux affects comme la peur d’échouer, l’anxiété liée à l’impression d’être jugé en fonction des performances à la tâche, la motivation face aux buts fixés pour la réalisation de la tâche, etc. Chez certains sujets, cette situation devrait favoriser un éveil physiologique et cognitif propre à former un système d’activation émotionnelle (Lazarus, 1993 ; Izard, 1993).

L’émergence d’une réaction émotionnelle notable, en particulier chez les sujets réactifs aux exigences de la tâche, devrait bouleverser le plan d’action dirigé par l’exécuteur central et modifier le déroulement des opérations contrôlées. Cette hypothèse alternative à la notion de ré-allocation de ressources de traitement, stipule que des processus d’appréciation cognitive d’une situation propre à créer un état émotionnel peuvent déclencher la réorganisation des plans d’action pour s’adapter aux changements liés à ce nouvel état (de Bonis, 1996). Ainsi, dans le cadre d’une tâche cognitive en MDT, et selon le type de réorganisation mentale exigé par l’activité cognitive, on peut faire l’hypothèse que l’influence modulatrice de l’émotion ne devrait pas agir sur le même plan d’action ni sur les mêmes processus exécutifs. Autrement dit, l’état émotionnel devrait affecter différemment les performances selon que le rappel requiert une planification alphabétique, inversée ou sérielle.

Enfin, la présence de distracteurs parmi les éléments destinés à être rappelés vise à vérifier si la réaction émotionnelle affecte les processus d’inhibition en MDT.