2.2.2. Le cas particulier des prémisses situationnelles

Hypothèses et prémisses, donc, sont intimement liées, sans forcément se recouvrir. L’articulation ici retenue conduit à donner d’emblée à chacun de ces concepts une orientation méthodologique marquée. Ainsi, présenter la rationalité (optimale), ou le principe d’asocialité, comme des hypothèses, c’est induire un certain mode de validation, à savoir : le test par les implications. La terminologie que semble retenir Friedman [1953] se veut, donc, comme une arme méthodologique, destinée à asseoir la thèse de l’asymétrie fondamentale et, ce faisant, à préserver la théorie néo-classique, mais aussi la théorie de l’utilité espérée (cf. Friedman & Savage [1948, 1952]), des attaques répétées contre l’’irréalisme de ses prémisses’. Cette stratégie (ce stratagème ?) s’étend au-delà du champ des hypothèses et prémisses psychologiques, pour s’appliquer, sans autres formalités, aux hypothèses et prémisses situationnelles. De la sorte, le théoricien qui fait sienne la thèse de l’asymétrie fondamentale, envisagera la ’concurrence parfaite’ comme une hypothèse qu’il ne s’agira pas de tester au vu, en particulier, des diverses prémisses que l’on range communément sous l’intitulé ’conditions de la concurrence parfaite’, mais bien au regard des implications de la théorie néo-classique. Une attitude que l’on généralisera aisément aux autres hypothèses situationnelles que suggère le théoricien néo-classique et, au-delà, standard, quant à la nature, par exemple, des rendements d’échelle ou des dotations initiales, quant à la structure des paiements ou, plus généralement, quant aux ’règles du jeu’ retenues (etc.)

Si donc l’immunité que confère la méthodologie économique standard aux prémisses du raisonnement s’applique aussi en matière de prémisses situationnelles, celles-ci ne se verront réservée, dans le cadre du présent travail, qu’une place très secondaire. Cette orientation ne résulte pas d’un choix arbitraire. Les débats entre comportementalistes et économistes standards se sont, en effet, très largement focalisés sur la seule question de la pertinence empirique des prémisses psychologiques du raisonnement ; une orientation qui a conduit, donc, à marginaliser, de façon parfois surprenante, les discussions que l’examen de la pertinence empirique des prémisses situationnelles retenues ne manquerait pas, pourtant, de faire jaillir. Ce relatif désintérêt pour la nature des prémisses situationnelles tient notamment, nous semble-t-il, au fait que l’approche économique standard revendique une grille de lecture du comportement dont l’unité provient de la nature des prémisses psychologiques retenues. Pour l’essentiel, les modèles qui relèvent de l’approche économique standard reposent sur des prémisses psychologiques inchangées, et ne se distinguent souvent que par la teneur des prémisses situationnelles envisagées. Parce que le centre névralgique de l’approche économique standard réside en ses prémisses psychologiques, ces dernières se sont trouvées, tout naturellement, au coeur des conflits qui ont opposé les partisans de l’approche standard à leur détracteurs en général, et aux auteurs comportementalistes, en particulier.