2.3.2. La micro-économie post-walrassienne : une portée micro-analytique

Si la micro-économie walrassienne -le programme de recherche néo-classique- revendique des ambitions descriptives qui, de manière peut-être surprenante, porteraient essentiellement à l’échelle macro-analytique, la micro-économie post-walrassien affiche, quant à elle, des prétentions descriptives proprement micro-analytiques. Le micro-économiste post-walrassien délaisse, en effet, les agrégats pour se rapprocher des comportements dans leur expression locale et, plus spécifiquement, des comportements individuels (c’est aussi le constat qu’établit Camerer [1995, p. 587]). Les modèles qui relèvent de la micro-économie post-walrassienne revendiquent ouvertement une portée descriptive à l’échelle même des comportements, individuels ou collectifs.

La théorie de l’utilité espérée paraît ainsi, initialement au moins, assez largement tenue pour une construction à vocation ’positive’ ou descriptive, susceptible d’offrir une grille de lecture des comportements face au risque, puis, face à l’incertitude. De même la théorie des jeux, laquelle prend appui sur la précédente représentation, semble-t-elle offrir une perspective en mesure d’expliquer et/ou de prédire les comportements que retiendraient divers individus ou firmes placés dans des contextes d’interaction stratégique. Si, dans cette perspective, le concept d’équilibre est toujours d’intérêt, ce n’est plus cependant l’équilibre de marché (concurrentiel) qui, venant ’fixer’ les comportements des agents rationnels et asociaux, constitue le pivot des prétentions descriptives de l’approche économique standard, mais l’équilibre de Nash. Peut-être aussi la théorie de l’agence entend-elle tirer quelques conclusions susceptibles d’éclairer les modalités qui régissent certaines relations contractuelles canoniques, ne mettant aux prises, communément, que deux agents.

De façon plus spécifique, donc, c’est de la réalité des comportements individuels que la micro-économie post-walrassienne semble vouloir se rapprocher. Ainsi, les travaux de Becker [1981] abordent-ils le ménage non plus comme une entité collective, mais comme un espace d’interactions entre divers individus (ou producteurs) réputés rationnels et, dans une large mesure, asociaux. De même, à la suite des travaux pionniers de Alchian & Demsetz [1972] ou de Jensen & Meckling [1976], est-il devenu commun de ne plus envisager la firme comme une entité collective, mais comme une organisation dont la substance se réduit à un vaste ’réseau de contrats’ (Holmstrom & Tirole [1989]). Ces perspectives, il faut le signaler, ne semblent en fait que ’purifier’ l’individualisme méthodologique traditionnellement revendiqué par l’approche néo-classique. C’est, précisément, parce que les modèles constitutifs de la micro-économie post-walrassienne délaissent les évolutions ou les phénomènes agrégés, pour se rapprocher du comportement des agents ou, mieux, des individus, que l’on a retenu d’évoquer leur portée micro-analytique.