CHAPITRE 2 : De la méthodologie comportementaliste à l’économie comportementaliste

Introduction

Le présent chapitre recouvre deux sections principales. Notre première section est entièrement consacrée à une présentation des principes méthodologiques qui animent le courant comportementaliste. Nous montrons que ces principes, qualifiés par nous d’empiristes/inductivistes, plaident sans ambiguïtés en faveur du réalisme des prémisses. Affichés ouvertement, ils sont l’occasion pour les membres du courant d’exprimer une critique méthodologique externe qui les conduit à rejeter les développements standards au vu, en particulier, des prémisses psychologiques retenues. On montre cependant que le comportementaliste a pu être tenté de faire discrètes ses positions empiristes/inductiviste. Il s’attachera alors à mettre en concurrence hypothèse et théories sur la base de leurs implications et non de leur prémisses. Nous suggérons que cette (ré)orientation stratégique, porteuse d’une critique méthodologique interne des travaux issus de l’approche économique standard, se donne à lire dans les arbitrages qui conduisent Simon à privilégier le contraste entre rationalité substantielle et rationalité procédurale à l’opposition, plus ancienne, entre rationalité (’optimale’) et rationalité limitée.

Notre seconde section a volontairement la forme d’une digression introductive. Ainsi, elle nous conduit à revenir sur deux difficultés identifiées au cours de notre introduction ; deux difficultés dont il nous est apparu opportun de discuter, de façon approfondie, après seulement avoir bien précisé les orientations méthodologiques qui animent le courant comportementaliste. Une première difficulté tient à ce que les membres du courant, ceux-là qui se réclament en particulier des travaux de Simon, divergent quant à la question de savoir quel degré de rupture, par rapport à la tradition standard, il convient d’imprimer à la discipline. Nous parvenons à offrir un noyau consensuel à la ’nébuleuse comportementaliste’, de même qu’à identifier deux orientations extrêmes. La seconde difficulté réside, à l’origine, dans un accident sémantique qui voit deux entreprises distinctes, et en fait antagoniques, revendiquer indépendamment la dénomination ’behavioral economics’. Face à ’notre’ courant comportementaliste, il nous faut présenter divers travaux placés ici sous l’intitulé ’comportementalisme beckerien’. De façon somme toute curieuse, il s’est trouvé des auteurs désireux de donner une définition de la ’behavioral economics’ propre en particulier à réunir ces travaux qui relèvent, d’une part, du courant comportementaliste et, d’autre part, du comportementalisme beckerien. On examine, puis critique, ces velléités syncrétiques.