1.2.4. Le comportementaliste comme ’ultra-empiriste’

Le désir de fonder la science économique sur des prémisses dont il a pu être établi qu’elles constituaient de bonnes approximations est ce qui le mieux permet de caractériser la méthodologie comportementaliste et, en fait, le comportementalisme en tant que courant. Aussi n’a-t-il jamais été question, pour le comportementaliste, d’octroyer aux prémisses de l’approche économique standard l’immunité réclamée, par le théoricien standard, au titre de son adhésion à la thèse de l’asymétrie fondamentale. Dans une large mesure, les prémisses psychologiques de l’approche économique standard semblent même avoir constitué un point de repère du processus de refondation entrepris, en la matière, par les auteurs comportementalistes. Bien qu’aucun membre du courant n’ait, à notre connaissance, revendiqué cet héritage, la perspective méthodologique comportementaliste semble s’inscrire, en définitive, dans la continuité même des propos d’un Hutchison [1938, 1956]. On s’en souvient, l’auteur plaide pour un test, de préférence, direct et indépendant des hypothèses d’une théorie. Ainsi, toute étude empirique qui, en un test direct, donc, falsifierait, de façon par trop systématique, l’une quelconque des prémisses de la rationalité peut conduire au rejet de cette hypothèse. De même en va-t-il des éléments de test qui contrediraient les implications de l’hypothèse de rationalité telles qu’elles peuvent se révéler à l’échelle micro-analytique des comportements individuels, et non seulement, donc, des réfutations qui frapperaient les implications macro-analytiques de la théorie néo-classique, prise dans sa globalité.

Les comportementalistes semblent ainsi, peu ou prou, ressortir de cette catégorie des ’ultra-empiristes’ dont Machlup [1955, 1956] n’a eu de cesse de caricaturer les positions, afin de mieux les discréditer. Néanmoins, confrontés à la chape de plomb que fait peser la thèse de l’asymétrie fondamentale sur toute tentative de déstabilisation de l’approche standard, dès lors qu’elle porterait sur le chapitre du ’réalisme’ des prémisses, nombreux sont les auteurs comportementalistes qui ont opté pour la critique méthodologique interne des constructions relevant de l’approche économique standard, soit comme complément d’une critique externe, soit même à titre exclusif. C’est cette réorientation qui, en particulier, semble accompagner le changement de terminologie opéré par Simon, le conduisant à privilégier l’opposition entre une rationalité standard qu’il voit comme ’substantielle’ et son alter ego comportementaliste qu’il juge ’procédurale’.