CHAPITRE 3 : Psychologie des jugements évaluatifs, ou les limites des aptitudes motivationnelles du décideur

Introduction

Le présent chapitre est l’occasion de se faire l’écho des limites qui frappent les aptitudes motivationnelles du décideur. Il se compose de deux sections principales.

Dans le cadre d’une première section nous présentons différents ingrédients d’un éclairage comportementaliste des préférences, de nature à en saisir pleinement la genèse. On examine les modèles multicritères qui capturent autant de procédures auxquelles le sujet peut avoir recours afin de choisir entre diverses options, divers objets, qu’il perçoit spontanément de façon fragmentée. La fonction de valeur de Kahneman et Tversky, qui met en évidence le caractère éminemment relatif des jugements évaluatifs, se voit ensuite présentée. Les travaux de Thaler nous donnent l’occasion d’illustrer la portée descriptive de cette fonction. On conclut notre première section au travers d’un examen de l’impact du critère ’risque’ ou ’incertitude’ sur les préférences du décideur. C’est là l’occasion de présenter la ’théorie des perspectives aléatoires’, dont nous apprécierons la portée descriptive au vu de sa capacité à capturer quelques uns des traits majeurs de l’attitude du décideur face au risque.

Dans le cadre d’une seconde section, nous démontrons le caractère variable des préférences. Ainsi fera-t-on valoir que les préférences peuvent fluctuer au gré des procédures déployées afin de les révéler, au gré du mode de présentation retenu en vue de faire état d’une même réalité normative, ou encore du fait du simple écoulement du temps. Toutes ces contingences heurtent de front cette prémisse de l’hypothèse de rationalité qui voit le décideur doté d’aptitudes motivationnelles impressionnantes, puisque propres à lui garantir toujours des préférences déterminées et cohérentes. A contrario, nous montrons que les divers ingrédients dont se compose l’éclairage comportementaliste des préférences, présenté à l’occasion de notre première section, portent en eux les germes de cette variabilité des préférences. Nous suggérons, en guise de conclusion, que si les préférences ne sauraient être pour le comportementalistes forcément déterminées, c’est qu’elles font l’objet souvent d’une construction dont les résultats sont fonction de la nature et la forme exacte des procédures évaluatives déployées. Or ce cheminement, au gré en particulier des fluctuations de l’attention que porte le sujet aux caractéristiques de sa situation-problème, s’avère éminemment sensible à de nombreux aspects dépourvus de pertinence normative.