1.2.1. Le ’biais de confirmation’

Parmi les nombreux ’biais cognitifs’ inventoriés, il convient sans doute de signaler, d’abord, cette propension qu’aurait l’individu de juger de la pertinence de ses constructions cognitives en s’efforçant de mettre à jour des informations qui les confirmeraient, plutôt que des indications qui les infirmeraient (Rabin [1998, pp. 26-9]). Généralement replacé sur fond de débats méthodologiques relatifs à l’’accumulation du savoir’, ce constat conduit à remarquer que le ’test d’hypothèse’ est une démarche naturellement inductive, s’effectuant par accumulation de données congruentes. L’’individu moyen’ semble bâtir ses représentations du monde (physique et social) en faisant abstraction du ’problème de l’induction’. Loin des canons popperiens, il entend accroître son savoir, non pas en réfutant telle ou telle croyance, mais plutôt en s’efforçant de la vérifier. Le psychologue P. C. Wason a conduit de nombreuses expériences qui révèlent combien le test par la confirmation s’avère, pour une large majorité d’individus, une démarche instinctive.

Wason [1960] a ainsi soumis à l’attention de divers sujets des séquences composées de trois chiffres. Chaque séquence est engendrée sur la base d’une règle qu’il convient au sujet de découvrir. Pour ce faire, il lui est donné la possibilité de soumettre à l’expérimentateur autant de séquences de trois chiffres que nécessaire, l’expérimentateur indiquant, pour chacune d’elle, si oui ou non elle se conforme à la règle. A peine plus d’un cinquième des sujets parviennent à identifier la règle dès leur première suggestion. Pour Wason, cette médiocre performance résulte de la prépondérance des stratégies ’vérificationnistes’ qui voient les sujets s’attacher à générer des séries confirmant, plutôt que réfutant, leurs intuitions du moment.

Wason [1968] met en lumière ce même penchant ’vérificationniste’ sur fond d’un exercice de logique bien connu. Quatre cartes, marquées respectivement d’un E, d’un K, d’un 4 et d’un 7, sont présentées aux différents sujets. On sait que chacune de ces cartes porte, sur une face, une lettre, et, sur l’autre, un chiffre. On sait, en outre, que la règle suivante est censée s’appliquer : toute carte portant une voyelle sur l’une de ses faces est marquée d’un chiffre pair sur l’autre. La tâche consiste alors, pour le sujet, à identifier le ou les cartes qu’il convient de retourner afin de tester la validité de cette règle. Les réponses les plus courantes désignent soit la carte marquée d’un E, soit cette même carte accompagnée de la carte portant le chiffre 4. Cette dernière carte ne peut, néanmoins, que confirmer, mais non réfuter la règle. Seul le choix des cartes E et 7 offre une telle perspective.

Dans la mesure où le ’biais de confirmation’ (’confirmatory bias’) -ainsi que l’on désigne cette tendance spontanée- repose sur une attention disproportionnée aux informations qui pourraient confirmer, relativement à celles qui pourraient infirmer, nos constructions cognitives, il est une cause fondamentale de conservatisme. Il y a pourtant tout lieu de penser que l’orientation sélective dont fait état le biais de confirmation, parce que trop peu corrosive, est susceptible de favoriser, çà et là, la formation et la pérennisation de constructions erronées (cf. Camerer [1995, pp. 608-9]).