2.1. Les biais cognitifs comme fiction expérimentale : les vertus supposées de l’apprentissage dans les conditions écologiques

Des trois arguments esquissés à l’instant, c’est le dernier que l’on voudrait ici avec le comportementaliste discuter, nous réservant l’examen des deux premiers pour des chapitres subséquents.319 Aussi convient-il certainement de répondre à cette question que soulève Thaler : est-il permis de croire, de façon générale, que les conditions écologiques de la décision puissent être particulièrement propices à la diffusion des effets correcteurs de l’apprentissage ? Pour le comportementaliste, et pour Thaler notamment, c’est par la négative qu’il faut répondre à la question, tant il paraît clair que les tâches assignées aux sujets expérimentaux s’avèrent autrement moins subtiles, moins complexes, que ne le sont la plupart des situations-problème du monde réel (Katona [1980, pp. 59-60]). La prise en compte de la réalité écologique ne peut, en fait, que conduire à donner une image plus fragile encore des aptitudes cognitives du décideur. Dans cette optique, les biais consignés expérimentalement, en particulier, pourraient bien voir, dans les conditions écologiques, leur impact amplifié. ‘Pis même, l’approche par les biais semble devoir, en vérité, ne révéler que la portion congrue des difficultés qui doivent, dans ces conditions, séparer le décideur de l’idéal standard d’omniscience ou de quasi-omniscience’. Pour un March ou un Simon, en effet, pas plus les vertus potentielles de l’apprentissage par l’action que celles de l’apprentissage par instruction ne sauraient soustraire le décideur, confronté aux subtilités qui marquent tant de situations-problème du monde réel, aux affres d’une certaine ignorance. Reprenons ici quelques uns des arguments comportementalistes.

Notes
319.

Cf. Ch 5, § 3.2., infra, et, pour ce qui est des arguments évolutionnistes de nature non analogique, Ch 6, § 3.2.2., infra.