2. Les fondements, cognitifs et motivationnels, de la thèse du satisficing

Nous avons jusqu’à présent affirmé la thèse comportementaliste du satisficing sans en examiner réellement les fondements. Ainsi n’a-t-on pas abordé la question de savoir pourquoi le décideur, dans un grand nombre de situations-problème, ambitionne d’atteindre non pas un résultat optimal mais une solution satisfaisante. Lorsqu’on en vient à examiner la nature des justifications comportementalistes de la thèse du satisficing, on ne peut que constater la cohabitation de deux visions qui diffèrent substantiellement. Le recours à une ’justification cognitive’ repose sur l’affirmation de la thèse du satisficing comme corollaire des limites inhérentes aux aptitudes du décideur à connaître, à raisonner. Dans cette optique, le décideur recherche une solution satisfaisante faute de pouvoir viser l’optimum. A l’inverse, la mobilisation d’une ’justification motivationnelle’ conduit, peu ou prou, à reconnaître que le décideur délaisse l’objectif d’optimisation non pas (ou non pas tant) faute de capacité mais bien de volonté.

Bien que le point soit méconnu, il semble que Simon [1963] ait conçu la possibilité de cette double justification. Après avoir présenté différents contre-arguments à l’hypothèse de maximisation du profit par l’entrepreneur, dont sa thèse du satisficing, il écrit : ’All of these objections concern motivation ; they assume, more or less, that the entrepreneur or the manager could aim at profit-maximization if he wanted to. We shall see (...) that there are also serious cognitive questions as to the capacity of economic man to maximize profit’ (Simon [1963, p. 728]). Présentons donc successivement chacune des deux justifications que reçoit la thèse du satisficing.