3.1.3. L’endogénéisation optimale des ’coûts d’information’ : la théorie du search

L’information et, en particulier, l’information sur les prix, n’est pas immédiatement disponible. Elle doit faire l’objet d’une activité de recherche coûteuse. Tels sont les constats fondateurs des modèles de coûts d’information que l’on range communément sous l’appellation de ’théorie du search’. Cette théorie prend sa source dans une contribution, restée célèbre, de Stigler. ’The economics of information’ (Stigler [1961]) s’ouvre sur le propos suivant : ’‘information is a valuable ressource (...) yet it occupies a slump dwelling in the town of economics’’. Le principal mérite de la contribution de Stigler est, précisément, d’avoir attiré l’attention sur des problématiques jusqu’alors négligées, car, sur le plan analytique, la perspective de l’auteur établit un constat qui sera vite dépassé. Stigler [1961, p. 216] écrit : ’‘If the cost of search is equated to its expected marginal return, the optimum amount of search will be found’’ (nous avons ajouté les italiques). Or, Lippman et Mc Call [1976]448 ont montré que la stratégie optimale d’un individu effectuant une recherche sur le niveau d’un prix -les cas de figure types demeurant encore ceux du consommateur et du chercheur d’emploi- ne réside pas, en règle générale, dans la détermination ex ante du nombre optimal de phases de recherche. La perspective de Stigler invite, pour ainsi dire, à déterminer la taille de l’échantillon avant même d’entamer toute recherche. En conservant l’hypothèse stiglerienne selon laquelle l’individu a une connaissance statistique de la distribution des prix, les auteurs concluent qu’il est communément optimal de procéder à une recherche séquentielle en comparant, à chaque étape, le coût marginal de l’activité de recherche (le coût d’information marginal), et le revenu marginal espéré de cette activité. Les auteurs montrent qu’une telle perspective équivaut, pour le décideur, à comparer les prix courants à un prix-seuil donné449 (traditionnellement appelé ’prix de réservation’), et de mettre un terme à sa recherche aussi tôt qu’un prix constaté est inférieur (cas du consommateur) ou supérieur (cas du candidat à l’emploi) au prix de réservation préalablement déterminé.

Par-delà les apports de Stigler [1961] et Lippman & Mc Call [1976], les recherches théoriques sur le search apparaissent aujourd’hui des plus variées. Les modèles de search se distinguent, en particulier, au regard de certaines orientations types quant aux hypothèses de base retenues. On peut ainsi supposer, à la suite de Rothschild [1974], que la fonction de densité sur les prix dont dispose le décideur n’est pas objective, mais seulement subjective. Il convient alors de rendre compte du processus par lequel le décideur actualise ses croyances. De même les modèles de search se voient-ils traditionnellement différenciés selon qu’ils recourent ou non à l’hypothèse de ’perfect recall’ (selon qu’ils supposent, ou non, que toute opportunité identifiée, par le passé, demeure accessible). Ces modèles peuvent également être répartis entre ceux qui supposent qu’une seule observation est réalisable à chaque période, d’une part, et ceux qui admettent la possibilité de plusieurs observations par phase de recherche, d’autre part. Il n’est pas cependant nécessaire, pour les besoins de notre propos, d’exposer plus avant la théorie du search. L’essentiel est bien là : depuis les travaux de Stigler, l’esprit des contributions à la théorie du search est demeuré globalement inchangé ; il s’agit toujours de mettre en balance des coûts (d’information) marginaux et des gains marginaux espérés, de sorte qu’un arbitrage optimal entre le coût et la qualité des décisions se voit réalisé.

Notes
448.

Cf., également, Kohn & Shavell [1974] pour une démonstration antérieure mais de portée plus limitée.

449.

Le prix de réservation dans le modèle de Lippman & Mc Call est fixe. C’est là une conséquence, en particulier, de l’hypothèse d’’horizon infini’ (le décideur ne subit aucune contrainte sur la durée de la recherche). En ’horizon fini’ (tel que le nombre de magasins à explorer ou d’offres d’emploi à considérer se trouve contingenté), ce seuil sera généralement amené à varier.